Dilatato Corde 1:1
January – June, 2011
L'Abbaye de Maredsous.
L'Abbaye de Maredsous.

D'OÙ M'EST DONC VENU
LE SOUCI INTERRELIGIEUX ?

J’avais, un jour, demandé à mon frère aîné s’il pouvait me dire d’où me serait venu le souci de respecter toute personne humaine ? D’où m’est venu le désir de rencontrer qui diffère avantageusement de moi ? Il m’a répondu, sans délai : « Te souviens-tu d’une seule fois où nos parents auraient dit du mal du prochain ? » - « Du tout ! » Oh ! Certes, il y a bien eu des fois, chez mon père surtout, quelque agacement mais n’a-t-il pas souvent dit, en fin de vie : « Ne jugez pas ! »

Au gré de mes Humanités, par contre, j’ai plusieurs fois éprouvé combien il était déprimant, voire accablant, de devoir encourir les taquineries, ou l’ironie parfois, du plus grand nombre, de la majorité. Et par ailleurs, d’avoir à pâtir gravement de l’oppression d’un seul individu en situation d’autorité.

Transposé dans l’univers de la foi, de l’Église, je me suis assez tôt méfié de la loi du nombre et de la face cachée des supérieurs, a fortiori religieux ! Par chance, la Providence m’a davantage incliné à rechercher l’honneur et la délicatesse dans les rapports humains et, de mon père, j’ai hérité du souci d’innover dans la façon d’aborder mon devoir d’état, l’exercer avec d’autant plus d’honnêteté qu’il est abordé avec clairvoyance et originalité.

Chercher Dieu m’est apparu la voie la plus appropriée, fiable dans mon cas. Lui donner ainsi ma vie, c’était au monastère que je le devais puisqu’il s’y trouvait une communauté de discrétion et de partage, un appel à découvrir enfin la liberté du cœur. À Chevetogne plus qu’à Maredsous ? J’avais été subjugué par le frère de mon grand-oncle, D. Lambert Beauduin. Prêtre diocésain de Liège d’abord, Aumônier du Travail ensuite, Bénédictin enfin, visionnaire d’une Eglise ouverte et réconciliée. Je choisis pourtant Maredsous. Dès lors, j’ai pris pour un bienfait d’être envoyé à l’étranger, en fondation, au-delà de nombreuses frontières ! Assez tôt, j’ai été remué par la beauté de l’autre, justement, dans ce qu’il avait de différent de moi. Son teint, son langage, sa grâce, son hospitalité, son humour, sa sagesse, …

Et puis, j’ai vécu en Fraternité avec les Frères de Taizé, connu et apprécié les ocres de la Réconciliation, la macédoine des visages et des murmures sereins à la prière, une lumière à la main. En somme, c’était devenu Pâques, tous les jours ! Au sens où, à la manière de Jésus, en sa propre conscience, je me suis de plus en plus convaincu qu’il fallait aller à l’universel, se soumettre, bien sûr, la tête haute néanmoins, à la sagesse des religions, la mienne et les leurs, pour mieux les surpasser et célébrer ensemble, avec d’autant plus de vérité, la douce et souveraine simplicité de l’Amour. Que désirerait-on de mieux, au monde ?

Des centaines de jeunes, de toutes races, au Rwanda, se sont rassemblés au monastère, des années durant, pour vivre les Jours-Saints ; ils se sont éparpillés, après l’aube pascale, pour aller porter plus loin le témoignage d’une main, paume ouverte, où je leur indiquais : « Écoute ta conscience, choisis, marche droit, respecte toute personne humaine et, à l’auriculaire, tente d’exprimer là où tu es un peu de bonté. » Voilà bien qui dilatait le cœur, au contraire de le meurtrir indiciblement comme on a dû l’apprendre par la suite.

Revenu en Europe, et pour cause, il me fallait surtout garder vive la torche agissante, du cœur en premier. Non plus tant par une fraternité sociale et cordiale mais ici au crible, serré au long des siècles, des traditions religieuses. Quel ne fut pas mon contentement en abordant un autre croyant avec les ressources des vertus, telles que l’urbanité, la discrétion, l’affabilité, la droiture, … au point que la différence d’appartenance à des communautés religieuses, d’assomption en soi du culte du Vivant, de l’Unique, de Dieu, apparaissait tellement éminente qu’on se devait de commencer logiquement par la pratique sourcilleuse, effective, des valeurs fondamentales, comme le respect, l’honnêteté intellectuelle et morale,   et celles que tout un chacun, quelle que soit son aire de vie, aspire à épanouir !

Mon Père Abbé s’est toujours montré accueillant aux suggestions que je lui ai soumises. Cela fait chaud au cœur, quand bien même l’éprouve-t-on « avec gravité cependant » de voir évoluer sur nos espaces des méditants qui viennent au chœur monastique et voir, du milieu de nous, un frère qui se joint à leurs assises. D’organiser, chaque année, une journée festive avec nos voisins Musulmans, … ! L’Esprit, des mystiques aux penseurs contemporains, souffle-t-il pour que j’adore Dieu, le cœur éclaté d’être frère universel de mon prochain le plus lointain ?

 
 
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