Dilatato Corde 2:1
January - June, 2012
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NOTE SUR LES ÉCHANGES SPIRITUELS EST-OUEST
DEPUIS LES ORIGINES

I. Histoire
Les Échanges Spirituels existent depuis 33 ans.

Tout a commencé en 1979. Des missionnaires catholiques au Japon qui voulaient organiser une rencontre entre religieux bouddhistes et chrétiens ont demandé la collaboration du D.I.M. pour réaliser des séjours de moines japonais dans certains monastères chrétiens d’Europe. Cette expérience d’hospitalité a été une grande découverte, car elle a ouvert les yeux des partenaires des deux bords. Il apparaissait que ce type de rencontre, le plus souvent silencieuse, mais dans des lieux imprégnés de vie spirituelle, permettait un contact d’une rare profondeur.

Lors de la conclusion de ce séjour, à Rome, le pape Jean-Paul II a adressé quelques paroles aux participants japonais :

Je vous remercie d’être venus en Europe pour un échange spirituel au niveau de l’expérience religieuse. Je félicite ceux parmi vous qui ont vécu en petits groupes dans des monastères chrétiens et qui ont pleinement partagé leur vie de prière et de travail pendant trois semaines. Votre expérience est un événement qui fait date dans l’histoire du dialogue interreligieux. (L’Osservatore Romano 27/9/1979)

Quatre ans plus tard le Révérend Hirata Seiko, président de l’Institut des Études zen, a invité des moines chrétiens à faire à leur tour un séjour dans des monastères zen au Japon. Ce deuxième ‘Échange Spirituel’ s’est révélé décisif dans l’histoire du D.I.M. européen. Les dix-sept participants, parmi lesquels trois Abbés, ont été très marqués par -cette expérience. Ils ont compris qu’en de tels échanges on ne pouvait pas se limiter à une comparaison entre les différentes pratiques monastiques, mais qu’il fallait prendre à cœur les raisons de vivre de ceux qui nous accueillaient, qu’il fallait entrer non seulement dans leurs maisons, mais encore dans leur spiritualité. Cela supposait une grande confiance réciproque. Un livre, écrit par le Père Benoît Billot, a décrit cette expérience mémorable (Voyage dans les Monastères zen, Paris, DDB, 1987). Cette réalisation a en tout cas inspiré le ‘Secrétariat pour les non-chrétiens’ du Vatican quand il a défini, l’année suivante, le ‘dialogue de l’expérience religieuse’ :

À un niveau plus profond, les hommes, enracinés dans leurs traditions religieuses peuvent partager leurs expériences de prière, de contemplation, de foi et d’engagement, expressions et voies de recherche de l’Absolu. Cette forme de dialogue est un enrichissement mutuel et une coopération féconde pour promouvoir et protéger les valeurs et finalités les plus élevées de l’homme. Le dialogue religieux conduit naturellement à se communiquer les uns aux autres les raisons de sa propre foi et ne s’arrête pas devant les différences, parfois profondes, mais se soumet avec humilité et confiance, à Dieu « qui est plus grand que notre cœur ».(Secretariatus pro non christianis 1984)

Le troisième Échange Spirituel (1987) a probablement a été le plus important. Une quarantaine de moines japonais y ont participé. Ils ont été reçus dans des monastères de six pays d’Europe et se sont finalement regroupés à Rome pour un symposium à Sant’Anselmo, le principal monastère bénédictin à Rome. Le Père Abbé Primat, Dom Viktor Dammertz les a accueillis, tandis que Monseigneur Piero Rossano, Secrétaire du Secrétariat pour les non Chrétiens, présidait le rassemblement avec le révérend Hirata. Tous ont ensuite été reçus en audience privée par le pape. Dans un discours principalement adressé aux moines chrétiens qui accompagnaient les japonais il leur a dit :

 Votre contribution spécifique au dialogue interreligieux ne consiste pas tellement à entretenir un dialogue explicite, car votre vie est d’abord vouée au silence, à la prière et au témoignage de la vie communautaire, mais vous pouvez faire beaucoup par votre hospitalité pour promouvoir une rencontre spirituelle en profondeur. En ouvrant vos maisons et votre cœur, comme vous l’avez fait ces jours-ci, vous êtes bien dans la tradition de votre père spirituel, saint Benoît. Vous appliquez à des frères moines, venus d’autres horizons et d’une tradition religieuse très différente, le très beau chapitre de sa Règle sur l’accueil des hôtes. Et ce faisant vous offrez au dialogue un environnement dans lequel la rencontre des esprits et des cœurs peut trouver place. L’accueil dans les monastères, caractérisé par la conscience de l’appartenance à l’unique humanité, favorise en effet un dialogue toujours plus profond. (Secretariatus pro non christianis, 1988, p. 5-6)

Ce texte précisait bien la spécificité du dialogue des moines et il confirmait la confiance que la hiérarchie catholique donnait au travail des commissions D.I.M.

Les Échanges suivants, en 1990, 1997, 1998, 2000, 2001, 2003, 2005, 2008 et 2011 ont confirmé l’importance de ce type de rencontre interreligieuse.

En conclusion au douzième Échange Spirituel le Révérend Eshin Nishimura, Directeur de l’Institut pour les Études zen et organisateur des échanges a écrit à son partenaire en Europe :

 Je suis très heureux d’apprendre que les participants à cet Échange ont apprécié le programme. La soudaine immersion dans la vie monastique zen, avec son horaire intense et ses exigences physiques particulières, ne doit pas toujours avoir été une expérience agréable, mais ils ont toujours semblé prêts à voir le côté positif de tout ce qui leur était proposé et ils ont pu en tirer des leçons bénéfiques pour leur propre pratique spirituelle. Il nous a semblé évident que leur formation monastique préalable était profonde.
Pour notre part, la rencontre de ces personnes engagées à vie dans leur vocation monastique nous a beaucoup impressionnés. J’espère donc que ce programme d’Échanges pourra continuer dans les années à venir.
On dit souvent que le voyage est ce qui combat le mieux les préjugés ; on pourrait dire, de façon plus positive, que la collaboration dans la vie quotidienne engendre l’acceptation mutuelle et de la compréhension sincère. Rien ne remplace le partage des activités de la vie quotidienne. Je constate en tout cas que l’expérience des moines et moniales du Japon et de l’Europe dans les monastères de leurs partenaires a grandement contribué au dialogue entre nos traditions respectives, parce qu’il a amené comme naturellement ce dialogue à son niveau le plus profond. Le bouddhisme et le christianisme ont beaucoup à s’apporter l’un à l’autre et c’est par des programmes comme les Échanges Spirituels  que les promesses de telles rencontre se réalisent.
J’accueille donc volontiers votre invitation à un prochain échange et j’étudie la possibilité d’envoyer dans l’avenir un groupe de moines et de moniales pour séjourner dans des monastères d’Europe.

C’est à nous, responsables du DIM/MID et du Zen Bunka, à de donner un avenir à  cette histoire.

II. Caractéristiques
Quatre caractéristiques assurent la spécificité de ces Échanges.

1. Immersion.
Le cadre des Échanges Spirituels en est la caractéristique la plus particulière, si pas la plus importante. En effet le moines ne sont pas appelés à beaucoup parler et le dialogue au sens propre du mot n’est pas leur contribution la plus spécifique à la rencontre interreligieuse. Mais ces rencontres se réalisent dans leurs monastères. Et l’expérience atteste que l’accueil mutuel dans leurs lieux d’habitation, permet aux moines de réaliser un échange silencieux souvent très profond. Le fait de se trouver immergés dans un tout autre milieu affecte beaucoup ceux qui s’exposent à cette expérience. La vie monastique, tant chrétienne que bouddhique, est très rigoureuse. Les faits et gestes de chaque moment de la journée y sont très précisément codifiés, et il n’est pas possible d’y échapper. Le visiteur de passage y est alors dépaysé et la perte de repères qui en résultent le rend très vulnérable. Mais il est aussi particulièrement sensible aux idéaux spirituels de ses hôtes et il se découvre capable d’une grande connivence avec leur religion. Parmi les différentes formes de dialogue interreligieux, ce ‘dialogue du silence’ tient donc une place emblématique.

2. Expérience spirituelle
Ces séjours dans les monastères d’une autre religion sont organisés pour des moines et moniales formés. C’est dire que l’expérience proposée, souvent assez bouleversante, se réalise au foyer d’une vie religieuse déjà développée. La découverte d’intuitions spirituelles élaborées depuis des siècles dans une autre tradition touche ces spirituels au cœur de leur propre vie et la rencontre se réalise donc d’emblée au niveau de l’expérience spirituelle. Cette caractéristique est la plus importante, parce que les avancées dans la réflexion el la pratique rendues possibles par des expériences vérifiées à ce niveau ont une importance décisive sur l’avenir du dialogue interreligieux.

3. Réciprocité
Les Échanges Spirituels se font alternativement dans des monastères bouddhiques et chrétiens. Dès le début les organisateurs ont tenu à assurer ce va et vient, parce qu’ils pressentaient que c’était la seule façon de se respecter mutuellement. Tant que la rencontre reste unilatérale, elle n’est pas seulement partielle, elle est dénaturée. Si, par exemple, des chrétiens, fascinés par le bouddhisme, vont volontiers résider dans des milieux bouddhiques, mais ne pensent pas à inviter leurs hôtes à découvrir à leur tour le christianisme, on peut se douter que leur rencontre ne se réalise pas depuis leur identité la plus profonde, puisqu’ils la mettent en quelque sorte entre parenthèse. Par contre les séjours alternés font finalement mieux apparaître l’essentiel de la quête spirituel, au-delà des différences de traditions.

4. Caractère officiel
Ces échanges ne sont pas des initiatives privées réalisées par des personnes quelque peu marginales. Il y a heureusement beaucoup de telles initiatives privées. Elles contribuent beaucoup au développement de la rencontre interreligieuse et sont même essentielles. Mais, dès leurs origines, les Échanges Spirituels ont été organisés en accord avec les plus hautes instances religieuses tant bouddhistes que chrétiennes. C’est un fait qui entraine certes des contraintes, mais qui, en retour, assure un bon rayonnement à l’expérience. Dans la mesure où ces autorités reconnaissant ces initiatives, elles les approuvent aussi, de sorte que ces échanges emblématiques contribuent plus largement au développement du mouvement dialogal.

III. Avenir
Les Échanges Spirituels décrits ici ne sont pas des initiatives isolées. Il y a bien sûr de nombreux autres échanges interreligieux, organisés en différentes parties du monde, plus ou moins officiels, plus ou moins durables. Il devraient pouvoir mieux se reconnaître les uns les autres, car nous avons tous à apprendre les uns des autres en ces domaines encore neufs. C’est pour cela qu’il nous a semblé bon d’en parler avec plus de détails dans cette revue Dilatato Corde.

Les commissions DIM/MID quant à elles souhaitent développer de tels projets. Ce qui a été possible jusqu’à présent avec des partenaires japonais devrait être possible avec d’autres organismes de par le monde. Une telle rencontre organisée avec des moines et moniales d’autres traditions spirituelles enrichira certainement l’expérience de la rencontre interreligieuse.

Tout en gardant soigneusement l’essentiel des caractéristiques énoncées ci-dessus, il devrait certainement être possible d’élargir le cercle des participants. Il n’y a pas que les moines qui ont une formation spirituelle profonde et qui pourraient tirer tout le profit d’une telle expérience d’immersion ! Il n’y a pas que les monastères bénédictins et zen où ces séjours soient significatifs. Les possibilités sont certainement multiples et il est nécessaire de les multiplier, partout où cela est possible.

Concrètement je propose, par l’intermédiaire de Dilatato Corde, d’ouvrir un courrier au sujet des ces échanges (pdb@dimmid.org),

  • soit pour me renseigner des possibilités d’échanges, avec d’autres organismes en d’autres pays ;
  • soit pour me demander davantage de précisions, afin de participer éventuellement à un tel échange, quand une occasion se présentera ou pour susciter une telle occasion.

Le secrétariat du DIM/MID pourra ainsi constituer des listes de possibilités et mettre en contact des personnes intéressées par de tels projets.

 
 
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