Dilatato Corde 2:1
January - June, 2012
Frère Irénée et Frère Matteo se préparent à aller pratiquer la mendicité dans les rues de la ville avec les autres moines zen.
Frère Irénée et Frère Matteo se préparent à aller pratiquer la mendicité dans les rues de la ville avec les autres moines zen.

TRAVERSÉE DANS L’ARCHIPEL DES PROFONDEURS

Alignés à l’extérieur du temple sur une sorte de ponton, faisant face à la nuit claire, tous assis en zazen, cette posture immobile qui entend faire de vous un bouddha, quinze moines au sein desquels je me trouvais se concentraient ce soir-là sur leur respiration. C’était vers la fin de septembre au monastère de Manju-ji, situé à Oita, un des ports du Kyushu, la grande île du Sud de l’archipel du Japon. Étonnamment, la rumeur de la ville ne parvenait pas à rompre le silence qui m’enrobait presque câlinement mais qui sourdait aussi du plus profond de mes entrailles.

Comme une force intérieure, à la fois douce et tranchante qui, mise au diapason des forces de la nature s’imposant du dehors, ferait prendre conscience que l’on ne serait plus qu’Un avec le cosmos. Jusqu’à presque disparaître soi-même, comme happé par plus grand que soi. S’agirait-il de la disparition de tout ego, l’un des buts essentiels de la pratique bouddhiste permettant de prendre pleinement conscience du réel tel qu’il est, au-delà de toutes les mentalisations suggérées par l’esprit agité ?

Encore bien loin de l’Illumination, il s’agirait plutôt de l’expérience de l’homme se découvrant comme partie prenante de l’univers, comme simple atome d’un Tout qui le dépasserait infiniment. Une prise de conscience qui susciterait à la fois une immense gratitude d’appartenir au grand mouvement de la Vie mais aussi crainte devant sa fragilité extrême. Ce ressenti s’imposera à moi en deux autres lieux, véritables matrices de l’âme religieuse japonaise. Ainsi au sanctuaire d’Ise, lieu fondateur du shinto où, selon la croyance populaire, la divinité Amaterasu descendit sur terre, donnant naissance à la famille impériale. Mais aussi au Mont Hieï, sainte montagne surplombant Kyoto couverte d’anciens monastères par lesquels transitèrent tous les grands fondateurs des différentes écoles bouddhistes japonaises. Ainsi, les deux piliers religieux ayant forgé l’âme japonaise sont-ils plantés en des terrains sacrés où la nature, douce et hiératique à la fois, s’empare de l’homme. La découverte spirituelle du Japon est avant tout un saisissement. La possibilité de dépasser ce rapport quasi fusionnel avec la nature semble être de prime abord un des grands défis qui se pose à l’âme.

J’avais atterri quinze jours auparavant à Osaka en compagnie de frère Matteo, un moine de Bose (Italie), et de trois moniales bénédictines, sœur Hélène, de Collegeville (États-Unis), sœur Clelia, de San Biagio (Italie) et sœur Gaëtane, de Liège (Belgique). Nous étions là pour participer à un échange avec des moines bouddhistes de tradition zen, voyage organisé conjointement par le ‘Dialogue Inter Monastique’ (DIM) et, côté bouddhiste, l’Institut pour les Études zen (Zen Bunka). Étaient prévus des séjours dans plusieurs monastères zen avec immersion complète dans leur quotidien, expérience qui ferait l’objet d’un symposium à l’université Hanazono de Kyoto. Quant à moi, j’avais prévu de prolonger ce séjour par la découverte de quelques aspects du Japon contemporain et notamment chrétien.

Sitôt sortis de l’aéroport aseptisé par la climatisation, une chaleur tropicale nous plonge d’emblée dans une ambiance lourde, dense et prenante ; elle nous accompagnera jusqu’à Sogen-ji, un monastère zen de tradition rinzaï situé dans la ville d’Okayama, au bord de la ‘mer intérieure’ à mi-distance d’Osaka et d’Hiroshima.

A l’exemple des abbayes chrétiennes classiques, les monastères bouddhistes s’inscrivent tous dans un plan général assez semblable qui se déploie autour d’un axe central constitué d’une porte principale puis de portiques intermédiaires, perspective qui mène au hondo, le sanctuaire. De part et d’autre s’étale tout un complexe de bâtiments en bois aux toits en pagode – extrémités légèrement incurvées vers le haut. Cuisine, ateliers, hôtelleries pour les pèlerins, bains, salles de réceptions ou d’enseignements plus ou moins solennelles, petites maisons à usage multiple, côtoient dans un dédale de coursives et d’allées, les bâtiments majeurs destinés à la pratique spirituelle. Ainsi de la bibliothèque, lieu où sont gardées les Écritures sacrées sur lesquelles veille un Bouddha gigantesque. Et surtout le zendo – la salle de méditation. Ouvert à tous vents, il s’agit du principal lieu de vie puisque, outre la pratique de zazen à laquelle il est destiné, il fait aussi office de salle d’étude et de dortoir pour les moines. Enfin, partie intégrante de tous les monastères et qui sont comme la carte d’identité de leur âme particulière, les jardins, qu’ils soient de sable, de rochers, de mousses, de bambous, de pièces d’eau, d’arbres majestueux ou encore d’arbrisseaux fleuris, parsèment les lieux et sont des lieux majeurs d’enseignement. Notamment quant à la manière d’appréhender le réel.

En effet, les jardins font office de mandalas – des supports visuels pour la méditation. Le plus célèbre est sans doute celui du Ryoan-ji de Kyoto : sur un rectangle de sable blanc finement ratissé, quinze rochers répartis en cinq groupes sont placés sur un fond de mousse. Or, la disposition des rochers est telle que l’on ne peut jamais les embrasser d’un seul coup d’œil. Et quinze est un nombre qui symbolise la totalité, la perfection dans la numérologie japonaise. La sentence est limpide : la Vérité ne se révèle que selon plusieurs points de vues. Il y a comme une invitation adressée à l’homme à renoncer à ses rêves de maîtrise et de mainmise sur la totalité, à quitter son esprit de système, ses idées toutes faites, dans son appréhension des mystères qui l’entourent.

Mais aussi à réaliser que le monde ne peut être perçu que dans son mouvement et sa constante évolution. De ce point de vue, les jardins de promenade japonais sont des laboratoires inégalables pour cette expérience spirituelle. J’ai eu l’opportunité d’en visiter deux parmi les trois les plus réputés que compte le Japon : le Kenroku-en à Kanazawa et le Koraku-en à Okayama. Lorsque le visiteur est à l’arrêt, ces jardins sont beaux, mais sans plus. Le miracle se produit dès que l’on se met en mouvement : presque à chaque pas, les paysages et les perspectives se transforment, découvrant sans cesse cours d’eau et cascades, pontons et îlots, maisons de thé et kiosques, collines et rochers, le tout dans un embrasement de couleurs et renouvellement des formes végétales qui saisissent le promeneur jusqu’à ses tréfonds. La leçon métaphysique est claire : la perfection ne se révèle que dans le mouvement !

Ainsi, ces deux enseignements jardiniers révèlent que le monde ne se donne à comprendre qu’à travers la pratique – le faire et non la réflexion intellectuelle. Seule l’expérimentation vécue dans tout son corps est source d’enseignement : seuls les sens révèlent du sens. Du début à la fin de mon séjour dans les monastères zen, le mot d’ordre ne variera pas : « Imitez nous, faites ce qu’on vous dit de faire et surtout, ne réfléchissez pas » ! C’était dit très courtoisement mais aussi très fermement… La mise en garde révèle sans doute le fossé entre deux cultures : en Occident, il convient de d’abord comprendre le sens de ce que l’on va faire avant que de s’exécuter ; en Extrême-Orient, on fait d’abord comme on doit faire et on comprendra ensuite le sens de son agir – à supposer que l’on se pose ce genre de questions ce qui ne va nullement de soi. On voit là à quel point l’esprit européen qui se confond largement avec l’esprit du christianisme, peut être bousculé et remis en cause de manière radicale. Sans cesse, on est invité à passer du ‘pourquoi’ au ‘comment’. Et si, par un réflexe quasi irrépressible pour un Français, vous posez la question préalable du sens, on vous répondra que c’est « parce que c’est comme ça ». « Comme ça », c’est-à-dire comme la manière dont les anciens ont toujours fait, méthode grâce à laquelle ils sont parvenus au satori ! 

* * *  

Le tintement mat d’une cloche se fait entendre dans la nuit. Trois heures : réveil dans le zendo ou plutôt branle-bas de combat ! Le temps de replier la natte et lacouverture faisant office de lit et de les remiser dans un casier situé au-dessus de la place de méditation, puis d’aller faire une toilette sommaire – économie d’eau oblige –, et nous voilà prêt en position assise, attendant le signal pour se rendre à l’office. Nouveau son de cloche et, d’une marche rapide effectuée à la queue leu leu, on rejoint le hondo où on prend place sur les tatamis, en rangs de part et d’autre de l’autel central, perpendiculairement. Au centre de la communauté d’une vingtaine de membres, juste devant le sanctuaire, le roshi, chef du monastère, est le célébrant qui effectue les offrandes d’encens et donne aussi le tempo général sur lequel sont scandées les prières. Le chant est très vif, l’usage continuel d’un tambour mais aussi de cloches rendant la psalmodie très saccadée.

Durant environ une heure vont se succéder des prières qui sont aussi bien d’action de grâce que d’intercessions pour les différentes classes d’être – les défunts étant particulièrement à l’honneur. Le sutra du Cœur et surtout des extraits du sutra du Lotus constituent des pièces maîtresses sur lesquelles se fonde le bouddhisme Mahayana dont le zen japonais est issu. Un enseignement qui insiste sur la perception aiguë permettant de reconnaître la nature réelle de toutes choses et concepts comme vide et d’atteindre à l’éveil de la bouddhéité.

Une prière spéciale, qui rappelle un peu les litanies chrétiennes, décline tous les noms des maîtres qui, depuis le Bouddha historique jusqu’au roshi actuel, ont transmis l’enseignement – à Sogen-ji, près de 90 générations constituent cette lignée ininterrompue depuis près de 2500 ans ! A bien des égards, le bouddhisme zen est très traditionaliste au sens où l’inscription du fidèle dans une lignée spirituelle apparaît plus importante que la référence directe aux enseignements du Bouddha historique. De même, l’inculturation du zen se révèle très forte – l’importance du culte des morts, en soi anachronique avec le bouddhisme, étant l’exemple le plus frappant. Mais n’en est-il pas de même de la voie monastique bénédictine ? Sa part directement évangélique est-elle plus importante que les enseignements stoïciens ou néo-platoniciens, sans parler du poids de la culture romaine et occidentale ?

Vers la fin de l’office, les moines se rendent en procession à l’entrée du monastère et, après avoir invoqué la protection des divinités, prononcent les vœux de bodhisattva, ces êtres qui s’engagent, ayant atteint l’illumination, à ne pas entrer dans le Nirvana afin de continuer à venir en aide à tous les vivants et à toujours faire œuvre de compassion. Enfin, la prière de prise de refuge dans le Bouddha, la Sangha (communauté) et l’enseignement parachève la prière du matin. Cette dernière partie de l’office se répétera presque à l’identique le soir avant le coucher.

Mais déjà, alors que le jour se lève à peine, voilà qu’il faut courir au zendo et prendre place pour plus de deux heures de méditation zazen. Puis suivront les activités de la journée qui, jusqu’au soir, se succéderont sur un rythme effréné : repas trois fois par jour à raison de dix minutes environ pour chacun, et travail quasi ininterrompu – nettoyages, jardin, potager et diverses charges. Puis, vers six heures du soir, trois heures de méditation zazen viennent clore ce marathon. Les plus courageux pourront alors aller méditer hors du zendo – pour certains toute la nuit. On le voit, avec son emploi du temps sans la moindre pause établissant des journées de veille longues de 18 heures, le régime monastique évoque davantage le service militaire que la quiétude lente et relax que l’occident prête à tort au zen !

C’est que les monastères au Japon sont en fait des centres d’entraînement pour futurs prêtres souvent appelés au sacerdoce… par leur propre père, le service du bouddhisme zen, tout comme du shinto, étant assuré par une caste sacerdotale. On est généralement prêtre de père en fils et les monastères sont là pour dispenser une formation pratique et spirituelle aux futurs desservants des 80 000 temples qui couvrent le Japon. Aujourd’hui, loin s’en faut qu’ils soient tous desservis par une seule personne… Les moines, qui viennent le plus souvent d’achever leurs études universitaires, sont donc toujours jeunes et l’engagement temporaire dure généralement trois ans. Sauf exception, tous sont appelés à se marier et à fonder une famille dès qu’ils auront quitté le monastère. Les seuls moines qui demeureront une grande partie de leur vie attachés au monastère seront les responsables de la formation sur le long terme – à commencer par les roshis, les maîtres spirituels.

Les monastères zen sont donc constitués quasi exclusivement de moines jeunes. Cette absence de relations intergénérationnelle est à la fois efficace – tout le monde peut marcher au même rythme – mais peut être aussi un peu réductrice quant aux rapports humains. Shodo Harada, le roshi de Sogen-ji, avait été frappé, lors d’une visite de monastères chrétiens, de l’entraide entre moines jeunes et âgés au sein d’une communauté. Ainsi, un des monastères qu’il a fondé aux États-Unis, à Seattle, est jumelé avec une maison de retraite pour personnes âgées, les moines étant chargés de s’occuper d’eux. Fruit concret d’une rencontre spirituelle entre l’Extrême-Orient et l’Occident, grâce à laquelle l’exercice de la compassion bouddhiste a su trouver un terreau favorable.

Serait-ce un signe des temps ? Les roshis les plus reconnus au Japon sont tous assez ouverts sur les autres spiritualités, comme s’ils avaient la conviction que l’évolution de l’humanité devait passer par une fécondation réciproque des expériences religieuses. Ainsi à Sogen-ji, une majorité de moines et moniales viennent des États-Unis, d’Europe et même d’Israël. Tous bouddhistes, ils sont là pour expérimenter la vie zen, avant de reprendre le cours normal de leur vie étudiante ou professionnelle. Souvent radicalement coupés de leurs racines chrétiennes ou juives, ils n’en témoignent pas moins une sagacité spirituelle que l’on pourra remarquer lors des temps de lectures bibliques en commun. En effet, chaque jour, nous prierons l’office chrétien des heures, tous les bouddhistes étant invités à y participer. Une salle de prière nous sera toujours généreusement attribuée pour cela. 

* * *  

Mais hormis cette ‘pause chrétienne’ de la fin de matinée, il aura fallu affronter toutes les activités de la journée sans s’arrêter un instant. Autant dire que l’on est vite très fatigué et que les six heures de sommeil que l’on vous concède servent tout juste à ne pas tomber d’épuisement… Cet état de fatigue, créé aussi bien par la charge du travail répétitif que par la vitesse avec laquelle on exécute tous les actes de la vie, semble clairement recherché par la règle de vie monastique. Le moine confronté à ce maelström lâchera prise plus facilement, se laissera faire davantage, évitera de réfléchir ou de faire de l’introspection : son ego ainsi affaibli, sa conscience sera plus ouverte, disponible et perméable, prête à recevoir la réalité telle qu’elle est – au-delà des résistances mentales et des suggestions du monde des idées. Au contraire des monastères chrétiens, ici tout est fait pour que le moine n’ait jamais de temps de recueillement… si ce n’est le zazen.

Mais il ne s’agit pas pour autant de faire de vous un robot. Aussi convient-il, en contrepoint de ce lâcher prise fondamental, d’être très attentif à ce que l’on fait. L’illumination n’est pas un état qui vous projetterait hors du monde mais bien au contraire la prise de conscience que l’on est pleinement présent aux choses telles qu’elles sont ici et maintenant, dans toute leur simplicité.

Ainsi, de nombreuses règles de courtoisie sont autant d’occasions données permettant de prêter attention aux frères qui vous entourent. Il s’agit de témoigner de la bienveillance aux autres tout en se gardant de les gêner : veiller et non pas surveiller… Ces usages irradient la société japonaise bien au-delà des monastères. Ainsi, les courbettes sont autant le fait de deux moines se saluant que du contrôleur de train demandant votre billet ou des joueurs de football remerciant le public de sa présence après un match !

Autre manière de développer l’attention à ce que l’on fait : le silence. On ne parle que peu dans les monastères et si on a quelque chose à exprimer, le langage des signes est fort développé. On retrouve d’ailleurs ce calme dans toute la société japonaise : l’usage du klaxon semble inconnu et le parler à voix basse est de rigueur – y compris dans les pires cohues… Comme si l’homme devait, par réflexe, se faire discret et petit dans le monde qui l’entoure. On retrouve peut-être ici ce double sentiment qui m’apparaît très japonais de symbiose et de crainte face à la Toute-puissance du groupe social et encore plus de la nature. Il convient de la respecter, en la laissant telle qu’elle est mais aussi en la domestiquant.

Cet art visant à domestiquer la nature tout en ne la… dénaturant pas se trouve sublimé dans la cuisine. Dépourvus d’épices et de graisse de cuisson, les produits très variés servis dans les monastères ont le goût de ce qu’ils sont. Comme par ailleurs, les menus sont végétariens et que le sucre est pratiquement absent de la table, la ligne des Japonais s’en ressent. En près d’un mois, je n’ai pas souvenir d’avoir croisé un seul obèse : leur rareté explique sans doute pourquoi les sumotoris sont considérés comme des dieux !

Les arts martiaux ne sont pas pratiqués dans les monastères où j’ai résidé. Mais néanmoins, il faut souligner la pratique du geste juste et tranchant dans toutes les activités menées, discipline martiale au possible. Là encore, il s’agit de développer l’attention sur ce que l’on fait. Ainsi, le geste consistant à ramasser des feuilles mortes se doit d’être sec et ample à la fois, ratissage qui dessine des bandes qui doivent rester égales et parallèles entre elles... Et qu’on se le dise bien : c’est ainsi qu’il faut faire – et pas autrement même si cela semble plus efficace ! On pourrait multiplier les exemples, notamment l’art et la manière d’utiliser la série de cinq bols gigognes qui servent aux repas ; mais le lieu où cette discipline du geste juste et tranchant atteint sa perfection est sans conteste la cérémonie du thé à laquelle nous fûmes conviés plusieurs fois. Là, le simple acte de boire est codifié à l’extrême et rend la chose quasi impossible pour un novice ! On ne boit pas avec sa tête mais avec ses mains et sa bouche, qui sont néanmoins commandées par le cerveau.

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Encore une fois, « il faut regarder, imiter et arrêter de réfléchir » ! Tel est le message qui nous attendait, le frère Matteo et moi, à notre arrivée au monastère de Manju-ji, lui aussi de tradition rinzaï, les moniales du groupe ayant quant à elles rejoint un monastère féminin. Serait-ce à cause de la beauté du zendo, au milieu duquel trônait une splendide statue du Bodhisattva Manjusri ? Toujours est-il que c’est là que je découvrirais le plus en profondeur zazen.

Le zazen, c’est d’abord une posture juste qui consiste à être assis en maintenant son dos le plus droit possible. Puis, il s’agit de se concentrer sur sa respiration, profonde, jusqu’à ne faire plus qu’un avec elle : je ne suis plus celui qui respire, ni la respiration elle-même mais je suis l’acte même de respirer. Autrement dit, je ne suis plus vraiment une personne et en même temps, je suis davantage Homme puisque souffler est Vie. Dans le même temps, il faut rester le plus immobile possible, tant corporellement que mentalement. Une idée surgit, je la regarde passer sans m’y attacher. Ainsi, petit à petit, l’agitation de l’esprit se calme, un vide se creuse et se dévoile à la fois, le rendant plus disponible à percevoir et accueillir le réel tel qu’il se présente. Telle me semble être la base du zen. Et après le zazen, c’est encore zazen ! Tous les exercices effectués le reste de la journée ne sont finalement zazen que sous d’autres formes.

Mais le zazen, c’est aussi un exercice dont le prolongement se révèle fastidieux. Les jambes et les genoux souffrent tandis que l’endormissement rôde, provoquant un affaissement du corps qui, même très léger, n’échappera pas au moine chargé de la discipline dans le zendo. Se postant devant vous, il vous présente avec cérémonie et on ne peut plus aimablement le bâton avec lequel il va vous frapper ! Deux coups forts et secs portés près des omoplates et qui sont destinés à vous réveiller. Et à vous faire reprendre une assise correcte. C’est qu’être assis dans une position et un esprit justes fait de vous réellement un Bouddha, que vous en ayez conscience ou non.

Au final, sur quoi peut bien déboucher la vie monastique zen ? Je ne peux ici que livrer ma propre expérience qui est bien sûr très réduite mais qui cependant, m’a permis de ressentir quelque chose du mystère qui se dévoile. Après avoir cherché à me soustraire autant faire se peut aux rigueurs des différentes activités et étant de plus en plus fatigué, j’ai fini par rendre les armes et par faire ce qui m’était demandé de façon assez mécanique. Mais bientôt, l’attention éveillée par la gestuelle de l’activité elle-même plus que par son ‘résultat’ ou son ‘sens’, voilà qu’au bout d’une dizaine de jours, on sent que l’on est comme rendu présent à ce que l’on fait. Le réel prend alors une forme plus nette et ‘passe’. Comme si il circulait à travers ce vide au fond de soi que l’on a appris à creuser et à rejoindre tout à la fois par la pratique de l’assise. En ce sens, le zazen est un état de conscience d’accueil de la vie, ouverture avec gratitude à ce qui arrive… Cette expérience pourrait peut-être se traduire selon les mots de l’Écriture : « Voici que je viens et je fais toutes choses nouvelles » (Apocalypse 21, 5). De ses profondeurs, la figure d’un Christ nouveau semble se révéler.

D’autre part, j’ai ressenti que la pratique chevronnée ouvre sur une relativisation des règles. L’expérience est paradoxale : plus on applique les préceptes obligatoires et plus ils deviennent accessoires, comme si une obligation disparaissait dès le moment où elle est honorée… Du coup, elle perd, si ce n’est de son importance, en tous cas de sa consistance. C’est peut-être ce type d’expérience qui est exprimée dans le précepte selon lequel le zen doit finir par se dépouiller du zen. Il faut se détacher jusqu’à devenir indifférent à la voie spirituelle elle-même. Du coup, ne reste rien à quoi se ‘raccrocher’ : alors peut-être que, du plus profond de son vide intérieur, surgira la Bussho – la nature de Bouddha dont tout homme est le réceptacle. Un dévoilement qui génère de l’empathie pour tous les hommes, porteurs eux aussi de cette nature. Cette compassion est peut-être celle du bodhisattva. Affirmer que tous les hommes ont la nature de Bouddha est-il comparable à dire que tous les hommes sont fils de Dieu ? Sans doute pas. Mais au final, cette découverte mène à l’amour et à la compassion envers le prochain.

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La troisième semaine, de nouveau réunis aux moniales, nous rejoignons le monastère d’Eihei-ji, sur la côte Ouest du Japon, près de la ville de Fukui. Posés au milieu d’une forêt de cèdres immenses, plusieurs fois centenaires, les bâtiments du monastère épousent la pente de la montagne et sont reliés par des escaliers couverts. Immense, il abrite près de deux cents moines et est le quartier général de la secte zen soto qui, entre autres différences avec l’école rinzaï, pratique le zazen face à un mur. Le responsable de la pratique du zazen n’est autre que le fils du maître Shunryu Suzuki, l’auteur de Esprit zen, esprit neuf, un des meilleurs enseignements sur le zen existant en langue française. 

Ce qui frappe le plus en cet endroit, c’est la détermination qui accompagne chaque acte de la vie quotidienne. Ici plus qu’ailleurs, les moines semblent être ‘à bloc’ dans toutes leurs activités. Par exemple, le lavage des planchers s’effectue au pas de course, chiffon posé à même le sol, les moines courant véritablement à quatre pattes, exercice scandé par des cris – sans doute d’encouragement. Il s’agit, signe de la présence à ce que l’on vit, de faire toute chose de tout son corps et de tout son esprit. Quand on prie, on prie ! Quand on mange, on mange !

Est-ce que ce tempérament visant à se donner entièrement dans ce que l’on fait pourrait expliquer les outrances de la société japonaise ? C’est la question que je me poserais à Tokyo. Reçu chez les pères des Missions Étrangères de Paris qui logent à proximité de la cathédrale dans un quartier assez résidentiel, la mégapole semble là très calme et fort sage. Mais j’aurais le loisir de découvrir aussi une ville à la modernité débridée : la société de consommation semble n’avoir ici aucune limite. Et pourtant, par delà ces excès, le Japonais semble conserver une grande capacité d’émerveillement et un certain esprit d’enfance. De même, visiblement, il a un lien fort avec le sacré lorsque l’occasion d’une rencontre religieuse se présente. L’attitude des fidèles dans les sanctuaires indique qu’ils y trouvent une certaine présence. Présence de qui ou de quoi ? Sans doute cette question n’a guère de sens.

Sur ce terreau, il ne manquerait alors qu’un éveilleur de conscience. Tel est le roshi du monastère, un homme qui, ayant parcouru lui-même le sentier sur lequel le satori peut se produire à tout moment, sera capable de guider d’autres âmes vers leur source. Et c’est uniquement cette expérience qu’il a vécu lui-même qui en fait un maître spirituel auquel il faudra alors se confier totalement. C’est que dans la tradition spirituelle zen, le rapport de maître à disciple suppose une confiance aveugle et une obéissance sans faille.

Mais plus que par ses ordres ou encore par les enseignements qu’il dispense, et qui se réduisent à tout au plus une heure par semaine de commentaires spirituels sur tel ou tel texte sacré de la tradition, l’autorité du roshi réside d’abord dans le propre exemple qu’il incarne dans sa vie quotidienne. Son enseignement est dans sa façon de vivre. De ce point de vue, Sasaki Doitsu, le roshi de Manju-ji, me frappera énormément. Il se dégage de sa personne une attitude de vérité, de quelqu’un qui ne se raconte pas d’histoire, qui ne joue aucun rôle, qui ne se prend pas au sérieux. L’humour, rappelle l’ensemble des traités zen, est au commencement de la voie ! Etre en vérité au regard des autres et de soi-même : tel est l’enseignement majeur dans la vie courante des roshis. C’est beau.

Outre sa bienveillance naturelle qui est presque palpable, son regard sur sa communauté apparaît d’une grande justesse : un regard d’attention et non de surveillant. L’essentiel semble être à ses yeux que les moines dont il a la responsabilité conservent toujours leur conscience ouverte vers l’éveil ; et donc, qu’ils ne tombent pas dans l’épuisement auquel peut conduire rapidement une application littérale de la règle monastique. Aussi est-il le régulateur de la discipline, assouplissant ou durcissant les conditions de vie presque heure par heure. Tout à coup, une pause ou encore un petit en-cas sera organisé ; une autre fois, ordre est donné de cesser le travail immédiatement.

A l’inverse, la sévérité du roshi qui s’exerce parfois à l’égard des jeunes moines ne vise pas à punir mais bien plutôt à infléchir la course du disciple dans la bonne direction. Et cette direction, c’est toujours la réalité de ce qui se donne à vivre et non la fuite dans des rêves ou des constructions mentales. L’essentiel de la voie consiste à affronter les problèmes tels qu’ils se présentent sans jamais essayer de les éviter et a fortiori de les nier.

Aussi, le critère décisif pour discerner si le disciple est ou non sur la bonne voie est son attitude vraie par rapport au réel tel qu’il se donne – dans ses joies comme dans ses difficultés. Le moine dans ses tribulations est toujours renvoyé à lui-même : que sa vie spirituelle se passe bien ou mal ne dépend que de son attitude intérieure. A Eihei-ji, nous assisterons, juste après l’office du matin, à une séance exemplaire de ce point de vue. Des moines sont appelés à tour de rôle à poser publiquement des questions aux maîtres en faisant part de leurs difficultés. La réponse renvoie systématiquement le disciple à son propre comportement. Ainsi, l’un s’étant plaint du trop grand nombre de touristes visitant le monastère, ce qui d’après lui provoquait une forte agitation l’empêchant de garder la conscience pleinement éveillée, le roshi lui répondit que la gêne qu’il ressentait n’était que le fruit de sa propre agitation mentale… Ces jeux de questions-réponses publiques, loin d’être des joutes oratoires, sont un enseignement pratique destiné à tous les moines qui devront ainsi se corriger.

Dans la tradition rinzaï, ce type de discernement et d’enseignement se fait de manière individuelle à travers l’exercice des kôans. Ce sont des énigmes que le roshi propose à la sagacité de son disciple et qui sont insolubles par l’exercice de l’intelligence. Exemple : quel est le son produit lorsqu’on applaudit d’une seule main ? Il s’agit en fait de détruire l’esprit de logique qui essaye vainement de trouver une explication rationnelle afin de provoquer une ouverture sur autre chose : non pas vers un au-delà mais sur ce qui est ici et maintenant. Le kôan, c’est l’affrontement de la réalité et de ses contradictions : seule la vie pratique est capable de le résoudre. Une ou deux fois par jour, le jeune moine rencontre son roshi. Le discernement consiste à voir l’attitude fondamentale du candidat – non seulement telle qu’elle s’exprime face au kôan mais aussi dans toutes les activités qu’il mène. Le moine est-il présent à ce qu’il fait ? Est-il vrai ou non ? Là est l’essentiel.

Le roshi est donc le cœur spirituel de la communauté. De lui dépend très largement l’influence et le rayonnement du monastère : on peut venir de très loin pour être formé auprès de lui. Et les liens qui se formeront avec ses disciples pourront perdurer au-delà de la période d’entraînement de trois ans. C’est que chaque monastère est le centre d’une galaxie constituée par les temples que desservent les moines qui ont été formés au monastère. C’est ainsi qu’à Manju-ji, nous assisterons à plusieurs cérémonies où les prêtres des temples alentours, tous issus de la ‘maison mère’ se retrouvent ensemble avec leurs fidèles. Célébrations pour les morts, récollections pour les prêtres, enseignement donné par le roshi aux fidèles, voire entraînement à la méditation zazen, le monastère joue un peu le rôle de cœur vivant animant un réseau de temples.

Une hospitalité qu’ils témoignent aussi envers les étrangers. Ainsi lors de notre séjour à Manju-ji, la présence de moines chrétiens était signalée par une affiche à la porterie et le roshi n’hésita jamais, dès qu’une occasion publique se présentait à nous présenter comme exemple aux fidèles bouddhistes. De même, il nous invita à aller pratiquer la mendicité dans les rues de la ville avec les autres moines zen : la stupéfaction se lisant sur les visages de certains passants indiquait que voir deux Européens, a fortiori manifestement chrétiens, en train de mendier constituait une nouveauté certaine… 

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 Après l’expérience menée dans les monastères zen, me retrouvant seul, je fus saisi par l’appel de la montagne ! Au petit jour, je sors de la gare minuscule desservie par un autorail. Essayant de décrypter la carte tout en japonais, je me rends au départ du sentier qui me conduira, vingt kilomètres plus loin et après 800 mètres de dénivelés à Koyasan, un célèbre lieu de pèlerinage. Situé au centre de la presqu’île de Wakayama, au sud d’Osaka, perché sur un haut plateau à près de 1 000 mètres d’altitude, et entouré de huit montagnes sacrées sensées figurer le lotus à huit pétales où siège le Bouddha, il s’agit d’un complexe monastique regroupant une centaine de temples.

Le sentier, guère emprunté, est en assez mauvais état – le ravinement des pluies torrentielles le creusant très fortement en certains passages – et s’enfonce de manière presque rectiligne dans la forte pente d’une forêt quasiment vierge. Bien qu’il soit bien balisé par des stèles numérotées tous les 100 mètres, la solitude totale conjuguée à la chaleur moite de la forêt mais aussi aux cris d’animaux non-identifiés, sans parler de quelques serpents à la longueur menaçante (on me dira plus tard qu’ils sont parfaitement inoffensifs), fait naître une certaine agitation dans l’esprit qui ne cesse de s’inquiéter. Un vrai laboratoire de ce que la mentalisation peut générer de mal-être et d’angoisse. Après avoir franchi plusieurs cols dévoilant de superbes panoramas fait d’enchaînements successifs de collines et montagnes plus vertes et boisées les unes que les autres, j’arrive quelques heures plus tard au pied d’un portique géant marquant l’entrée de Koyasan. Quartier général de la secte ésotérique Shingon, le site abrite, outre les temples et ses marchands, une nécropole impressionnante de plus de 200 000 tombeaux, reposant à l’ombre d’arbres gigantesques. Au fond de ce cimetière se découvrent un temple et une crypte où Kobo Daishi, fondateur du bouddhisme Shingon, est sensé être là en état de méditation depuis le IXe siècle. C’est le terme du pèlerinage. La foule venue en autocar ou par le train à crémaillère, se presse pour offrir moult bâtons d’encens et réciter de nombreux sutras demandant la protection des divinités et du maître des lieux. L’empressement général n’arrive pas à me distraire d’une ambiance spirituelle chargée mais un peu lourde : le contact avec le monde des esprits régnant dans la nature donne un peu le tournis.

Autre montagne, autre sensation au Centre Shinmeizan, situé dans l’île de Kyushu près de la ville de Kumamoto, où nous résiderons, sœur Gaëtane, frère Matteo et moi-même, durant trois jours. C’est en haut d’une très belle montagne, aux pentes escarpées, que se découvre cette maison chrétienne de prière et de dialogue inter-religieux fondée il y a une trentaine d’années par le Père Sottocornola, un missionnaire italien. Belle histoire que cette fondation née d’une amitié entre un prêtre catholique et un moine bouddhiste. L’intuition spirituelle fondamentale du lieu où résident actuellement deux prêtres et deux religieuses catholiques est de promouvoir la prière au contact de la nature. Mais aussi de laisser toute sa place au silence, conçu comme le lien majeur unissant les traditions bouddhistes et chrétiennes. Enfin, les résidants, grands connaisseurs du Japon, sont des guides et des conseillers écoutés pour toutes les questions touchant au dialogue entre les religions japonaises et le christianisme.

A l’expérience, on a tôt fait d’être pris par l’ambiance spirituelle qui émane d’une célébration eucharistique très dépouillée et inculturée ; mais aussi par la célébration des heures canoniales, laudes et vêpres étant chantées à l’extérieur au milieu de la nature luxuriante, face au soleil, levant ou couchant.

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Nagasaki ! En ce 9 août 1945, à 11h02 précises, l’humanité apprenait qu’elle était désormais capable de s’anéantir elle-même – que sa survie et son dessein ne tenaient qu’à un atome… Une cosmo-anthropologie très bouddhiste : l’homme comme toute réalité ne sont-ils pas seulement des agrégats d’atomes se dissolvant et se reconstituant sans cesse – grammaire de l’impermanence fondamentale de toutes choses ? Sauf que ce jour-là, l’atome mal placé l’avait été par la volonté toute puissante de l’homme… L’avènement de l’ère nucléaire est peut-être d’abord un kôan adressé à l’humanité.

De ce point de vue, le musée de la bombe atomique est une vraie réussite en ce que la mémoire est placée dans une perspective de recherche de paix. Une valeur qui semble travailler en profondeur la société japonaise. Est-ce la conséquence d’une histoire contemporaine virulente ? Est-ce parce que le Japon se trouve aujourd’hui entouré de voisins à l’allure menaçante ?

Chose étonnante au premier abord, la paix à Nagasaki semble prendre une coloration chrétienne. C’est que l’explosion eut lieu presque au-dessus de la cathédrale d’Urakami qui était à l’époque la plus vaste église chrétienne en Asie. Presque entièrement soufflée, elle était cependant assez solide pour être l’unique édifice dont il restera quelques vestiges. Ainsi, ces piliers toujours dressés à deux pas du monument indiquant l’épicentre de l’explosion, symbolisent la détresse et le recueillement de la ville. D’autre part, du milieu de la tragédie humaine qui suivit la catastrophe émerge la figure du docteur Nagai Takashi. Ce médecin, gravement irradié, se consacrera corps et âme à secourir les blessés jusqu’à son dernier souffle : il était un disciple de Jésus et sa figure, extrêmement populaire, le représente toujours un chapelet à la main. Autant dire que le martyre de la ville peut se lire, sans forcer les choses, d’une manière très christique.

Et comme si ces conjonctions ne suffisaient pas, une petite promenade dans ce port situé au fond d’une splendide baie vous rappelle que Nagasaki, fut et demeure la plus grande ville chrétienne du Japon. Avec une histoire là aussi qui trouve sa place dans tous les martyrologes. En effet, un peu moins d’un siècle après la christianisation commencée par François-Xavier au XVIe siècle, la religion chrétienne fut strictement interdite au Japon pendant plus de 200 ans. Nagasaki, berceau de l’évangélisation, devient alors le Golgotha de la jeune église et de ses missionnaires, venus des quatre coins du monde. En plusieurs vagues de répression, des centaines de baptisés subiront le martyre en des scènes dont l’atrocité semble évoquer les persécutions des premiers temps du christianisme. Et pourtant, malgré des poursuites incessantes et un contrôle policier très strict ininterrompus durant deux siècles, des croyants, dépourvus de clergé, vont tenir et vivre de leur foi en Jésus-Christ, jusqu’à leur découverte par les missionnaires français en 1865. L’histoire de ceux que l’on nommera les ‘chrétiens cachés’ est unique dans les annales du christianisme. Ils témoignent de ce que l’âme japonaise peut être touchée à une profondeur insoupçonnable par l’Évangile.

En tous ces sens, Nagasaki mérite sans doute qu’on lui décerne le titre de capitale de la paix, de Jérusalem de l’Extrême-Orient. Non que son histoire fut paisible mais parce que son martyre comme celui de ses habitants, toutes religions et races confondues, porte jusqu’à l’extrême les espoirs de paix que l’homme désire au plus profond de son cœur. L’ultime défi que semble poser la ville serait de savoir si les chemins de la paix doivent nécessairement traverser des vallées de larmes et de douleur. Une question qui remue à l’extrême le Japon d’aujourd’hui, dévasté et fragilisé par le tsunami et la catastrophe de Fukushima. A moins que, là aussi, ce genre de question ne se pose pas…

 
 
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