Thomas Merton
LA NUIT DE LA SAINT-JEAN
& AUTRES POÈMES INÉDITS
Thomas Merton, mort accidentellement à Bangkok en 1968, n’ayant pas atteint 55 ans, reste une figure emblématique inspirante, même un demi-siècle plus tard. Il est né, il y a tout juste un siècle (1915). Il est le moine le mieux connu du XXe siècle, célèbre par ses récits et journaux autobiographiques, ses écrits sur l’histoire de la spiritualité, en Occident comme en Orient (Tao, Zen etc.), ses interventions dans le débat politique de son pays, pour la Paix au moment de la guerre au Vietnam et contre le nucléaire, comme pour ses contributions sur la vie monastique renouvelée lors du Concile Vatican II. Il y a encore le recueil énorme de sa correspondance où sa voix est la plus libre, et son intérêt croissant pour le dialogue monastique interreligieux. Mais là où il peut encore nous surprendre en francophonie, c’est en tant que poète. Jusqu’ici très peu de ses poèmes avaient été traduits en français. Une première édition en anglais couvrait plus de mille pages (en 1977, avec même un poème rédigé en français (voir ici p.49) et une dizaine de pages de poèmes traduits du français, de René Char notamment !). Xavier Morales a pris sur lui de nous présenter Merton poète : il s’est mis à faire un choix et à traduire en français sa récolte. Cela fait quelque trente-cinq poèmes qui couvrent toute la vie du moine, dans une succession avant tout chronologique (depuis ’40 à ’68). Presque chaque poème reçoit une introduction appropriée et l’ensemble reçoit une large introduction qui permet de situer l’œuvre poétique du moine-écrivain dans le contexte même de sa vie.
Le résultat est une belle collection de moments poétiques remarquables dans lesquels se reflète toute la vie du moine, sa quête de Dieu, du silence, de la vie en solitude, de la sagesse orientale, comme aussi de sa sagesse en tant que correspondant religieux. Le dernier texte retenu est une prose poétique consacrée à la Hagia Sophia, Sagesse biblique et sagesse bien humaine, rencontrée de façon inoubliable dans la personne qui l’a soigné à l’hôpital en 1966.
Il y a quelque chose de caléidoscopique dans toute l’œuvre de Thomas Merton, et ses poèmes, selon le choix ici opéré, trahissent la même ouverture et la même soif de bonheur et d’authenticité. Arc tendu vers un infini jamais atteint, sa vie d’écrivain comme sa poésie la plus secrète, trouvent des mots pour dire ce mouvement qui porte l’homme de Dieu vers un dépassement inassouvi. Il s’y révèle comme il fait mine de s’y cacher, dans un jeu subtil, ainsi que le montre ce seul verset :
« Je ne me montre pas ni ne me cèle
Mon innocence n’est vaguement perçue
Que par un don divin
Comme une cavité blanche sans explication ». (p.84, Le cactus qui fleurit la nuit).
Il était « zen » bien avant de rencontrer la tradition monastique zen.
On ne peut qu’être reconnaissant au traducteur et à l’éditeur de nous faire connaître en français et de façon aussi bien accompagnée, les secrets de Merton poète.