COMPRENDRE L’AUTRE EN VERTU MÊME DE SON RAPPORT AU SACRÉ

Le dialogue interreligieux est une œuvre collective et ecclésiale. Une seule personne ne peut embrasser tous ses aspects. Selon son charisme propre, chacun est appelé à développer l’un ou l’autre aspect, une situation qui invite les chrétiens en dialogue à collaborer, à partir de leur lieu d’engagement, à l’élaboration d’une conscience dialogique au sein de l’Église.

Compte tenu de leur charisme, les fils et les filles de Saint Benoît ont été mandatés officiellement pour prendre les devants dans le dialogue de l’expérience religieuse et ouvrir pour l’Église de nouvelles voies où le rapport à l’altérité religieuse conjugue contemplation et hospitalité. Le but ici visé n’est pas de fusionner plusieurs religions, ni faire de l’autre un soi-même, ni même de faire de cet autre une simple ressource pour optimiser sa propre vie de prière. C’est la fécondation mutuelle qui est à l’horizon, et ce, dans l’effort de saisir la cohérence spécifique à chaque pratique spirituelle.

Les moines ont accumulé une expérience dans le domaine du dialogue interreligieux et tous peuvent s’en inspirer.

Mais, si l’approche monastique de cette revue est significative, la contribution des seuls moines ne peut suffire. L’apport de tous ceux qui s’engagent dans le dialogue intrareligieux est indispensable, non seulement pour sa réalisation pratique, mais aussi pour lui assurer son esprit d’ouverture.

Nous espérons donc que la publication de Dilatato Corde sera l’occasion de donner toute sa place au dialogue de l’expérience religieuse, l’un des quatre types du dialogue répertoriés par le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux. Encore trop souvent sous-estimé ou peu compris, ce dialogue mérite pourtant toute notre attention. Il ne s’agit pas d’une activité marginale. Son rôle doit s’envisager dans l’œuvre globale de l’Église pour le dialogue, au cœur de toute entreprise interreligieuse, car il permet d’ancrer la relation aux autres croyants dans sa foi, dans sa vie en conformité avec l’Esprit du Christ. Dans ce contexte, le dialogue devient un acte spirituel en soi. Ici, notre relation à l’altérité religieuse n’est plus une menace à notre foi mais le lieu privilégié de son expression. Ainsi pourrons-nous résister à la tentation de réduire le dialogue à une activité diplomatique, fondée sur l’intérêt et la compromission.

Ce dialogue donne au dialogue des œuvres de ne pas céder ni à l’activisme ni à la tentation de se développer en parallèle de la vie ecclésiale. Par ailleurs, il a besoin du dialogue entre théologiens pour trouver ses repères conceptuels et son ancrage dans la Tradition. C’est en étant ouvert à ces deux types de dialogue que le dialogue de l’expérience spirituelle peut contribuer à nourrir un dialogue de vie, vécu à tous les niveaux de la société, au quotidien et de façon informelle.

Beaucoup d’hommes et de femmes de toutes conditions, religieux ou laïques, sont engagés dans des avenues similaires autant dans le christianisme qu’en dehors, dans d’autres courants religieux. Si le dialogue est l’avenir, c’est l’œuvre de tous les croyants et de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté.

Cette revue s’offre ainsi comme l’espace où pourront converger les échos d’expériences multiples, appartenant à des cultures et des contextes spirituels divers, et cependant animées d’un même esprit, celui de comprendre l’autre en vertu même de son rapport au sacré. Cette plateforme permettra ainsi d’articuler, de partager et de soumettre à la critique éclairée les expériences intrareligieuses vécues aux quatre coins du monde. Tout en donnant la parole aux autres croyants, elle cherchera à promouvoir une nouvelle façon chrétienne d’être au monde en vue d’une culture de paix, et ce, sans céder ni au relativisme ni au fondamentalisme, en alliant toujours prudence et audace.