VOLUME X:2
July-December 2020
John Main, O.S.B.Cam.
John Main, O.S.B.Cam.

LA PRATIQUE DU MANTRA DANS LA MÉDITATION SELON JOHN MAIN
Résurgence d’un discours apologétique entre origine chrétienne et influence hindoue

Précis
John Main est à l’origine d’un type de prière contemplative chrétienne accessible à tous et basée principalement sur la récitation d’un « mantra ». Depuis qu’il a été initié à la pratique de la méditation avec un maître hindou, on peut légitimement s’interroger sur l’apport de l’hindouisme dans sa compréhension chrétienne de la prière contemplative. Dans cet article, nous montrons que la pratique de la méditation de Main est certes influencée par l’enseignement du Swami, mais qu’elle n’en est pas moins fidèle à l’esprit de la prière chrétienne et témoigne d’une nouvelle cohérence, à la fois fidèle à sa tradition et redevable à un autre courant spirituel.
 
Abstract
John Main is the originator of a type of Christian contemplative prayer that is accessible to all and is based primarily on the recitation of a ‘mantra.’ Since he was initiated into the practice of meditation by a Hindu master, one can legitimately wonder about the contribution of Hinduism to his Christian understanding of contemplative prayer. In this article, we show that Main’s practice of meditation is certainly influenced by the Swami’s teaching, but that it is nonetheless faithful to the spirit of Christian prayer and bears witness to a new coherence that is at once faithful to its tradition and indebted to another spiritual current.


 
Introduction
 
John Main, OSB (1926-1982) est à l’origine de la méditation chrétienne pratiquée dans plus de 120 pays. Ce type de prière contemplative est accessible à tous et repose principalement sur la récitation d’un mantra, maranatha étant le plus souvent recommandé. Selon le Bénédictin, cette prière est fondamentalement chrétienne en conformité notamment avec les écrits de Jean Cassien (IV-Ve s.) et le Nuage d’inconnaissance, texte mystique anonyme du XIVe s. Or, c’est auprès de Swami Satyananda, son maître hindou, qu’il s’initie à la pratique du mantra avant même de devenir moine. Aussi est-il légitime de s’interroger sur l’apport de l’hindouisme dans sa compréhension chrétienne de la prière contemplative.  Cette question n’est pas nouvelle – nous nous y sommes intéressés pour la première fois en préparant la journée de ressourcement intitulée L’enseignement de John Main : racines et résonance, que nous avons animée en avril 2016 à Ottawa pour marquer le 25e anniversaire de la Méditation chrétienne du Québec et des régions francophones du Canada. Elle fait débat dans les milieux catholiques depuis plusieurs décennies. D’aucuns soupçonnent cette méditation d’être une pratique hindoue à l’apparence chrétienne. D’où la résurgence d’un certain discours apologétique où les uns dénoncent l’intrusion d’éléments étrangers dans la vie contemplative et où les autres s’emploient à montrer le caractère historiquement chrétien de cette forme de prière. D’autres encore défendent l’idée d’une pratique méditative témoignant d’une cohérence nouvelle, à la fois fidèle à la tradition et redevable à d’autres courants spirituels, l’hindouisme en l’occurrence. Nous nous rallions, quant à nous, à cette dernière perspectiveà cette dernière perspective, et pour en saisir le bien-fondé nous proposons un développement en trois temps. Nous saisissons d’abord en quoi la méditation chrétienne est influencée par l’enseignement de Swami Satyananda pour montrer ensuite que ce qui la caractérise en propre l’inscrit bel et bien dans l’esprit de la prière chrétienne. Enfin, nous décrivons comment, en dépit des similitudes, elle se différencie de la pratique du mot sacré telle qu’explicitée principalement dans les conférences IX et X de Cassien et dans le Nuage d’inconnaissance. Nous concluons en évoquant les enjeux et les conditions liés à la méditation chrétienne comme héritière de la tradition contemplative et en tant qu’elle la continue selon sa cohérence ascétique et théologique propre. Notons que cette étude se fonde essentiellement sur les écrits de Main ; elle n’entend pas montrer la manière dont la pratique a évolué notamment sous la poussée de Lawrence Freeman, se limitant à saisir comment son fondateur l’a envisagée à partir de sa propre expérience.
 
1) L’influence de Swami Satyananda
 
La rencontre avec Swami Satyananda est déterminante pour John Main autant par rapport à sa vocation de leader pour un renouveau contemplatif au sein de l’Église catholique que dans sa manière de pratiquer et d’enseigner la méditation chrétienne. Cette rencontre a lieu alors qu’il est en poste au Malaya (Malaisie britannique) de 1955 à 1956 pour le compte du Service colonial britannique. Un jour, ayant la mission de remettre un message du Gouverneur au Swami en reconnaissance de ses œuvres de charité (orphelinat), Main résonne vivement au fait que l’ashram repose sur la pratique quotidienne de la méditation, non pas une méditation discursive à laquelle il est habitué avec les exercices de Saint Ignace, mais non discursive, au-delà des concepts, une approche qui l’attire particulièrement[1]. Ce qui alors doit être une formalité bouleverse la vie du diplomate, si bien qu’il demande à être initié par le Swami et finit par pratiquer sous sa direction une fois par semaine pendant 18 mois[2]! Plus tard, en 1958, alors qu’il enseigne le Droit à Dublin, c’est l’impact de la mort de son neveu qui le pousse, d’une part, à ressaisir l’essentiel qu’il situe dans la méditation et, d’autre part, à se faire moine[3] pour structurer sa vie en conséquence. 
 
La pratique méditative très vite conditionne son séjour à l’Abbaye bénédictine d’Ealing, dans la banlieue de Londres, où il devient moine. Pour lui, la méditation correspond à ce qu’il en a appris auprès de son maître hindou. Elle est une façon de s’éveiller au fait que Dieu est à chercher au-dedans de soi[4] et que le silence en est l’espace privilégié. Aussi la prière discursive revêt-elle peu d’intérêt à ses yeux. Or, quand son maître des novices lui demande d’emblée de ne pas s’adonner à la méditation apprise en Malaisie pour lui préférer une prière impliquant la pensée et l’imagination[5], Main se résigne et accepte même si ce type de prière devient de plus en plus insatisfaisant.[6] Malgré tout, avec le recul, le moine y voit une période de grâce. Selon lui, le maître des novices, sans en être conscient, lui a appris ainsi le détachement, à se détacher de ce qui lui tenait le plus à cœur, réalisant en cela que l’obéissance est le fondement de sa vie monastique[7].
 
Cette obéissance, il l’applique volontiers des années plus tard en acceptant l’invitation de Leonard J. Crowley, évêque auxiliaire de Montréal, d’implanter dans la métropole québécoise une communauté monastique, sous l’égide de l’Abbaye d’Ealing, où l’on puisse s’initier et s’adonner à la prière contemplative[8]. Main rencontre le prélat en octobre 1976 à Montréal en transit vers l’Abbaye de Gethsémani dans l’état du Kentucky aux États-Unis où résida Thomas Merton et dont l’influence sur le Bénédictin est à noter. Il a le sentiment de devoir suivre les traces du Trappiste et de dédier lui aussi sa vie à l’enseignement de la prière contemplative[9]. Il obtient de son supérieur la permission de quitter l’Abbaye d’Ealing en mars 1977 pour se rendre à Montréal ; ce qu’il fera accompagné de Lawrence Freeman, également moine (novice) de cette même abbaye. Dans une lettre à l’une de ses correspondantes, Rosie Lovat, il expose sa vision de la nouvelle fondation : « Our plans go ahead here and we are now coming within of our dream, that is a community of monks, sisters, a lay community of married people and families, all joined together by meditation, albeit obviously at different levels of commitment but each with a growing commitment[10]. » Main enseigne désormais ce qui est connu comme la méditation chrétienne, dont la popularité a conduit à la création en 1991 de la Communauté mondiale de la méditation chrétienne, neuf ans après la mort du Bénédictin anglais en 1982.
 
La méditation chrétienne se caractérise principalement par l’utilisation d’un mantra (maranatha) qui empêche l’esprit de vaguer ici et là. Elle n’est donc pas discursive, ne s’agissant pas de penser à Dieu ou à Jésus[11], mais n’en est pas pour autant sans objet comme le soutiennent certains adeptes, un point qu’on ne peut toutefois traiter ici. Selon Stefan Reynold, la pratique du mantra témoigne de l’influence de Swami Satyananda sur la méditation chrétienne tout comme son rapport à la non-dualité (advaita)[12]. Le fait même d’avoir conservé la notion de mantra, mot sanskrit, en référence à la formule répétée lors de cette prière contemplative en est un signe évident. On peut d’ailleurs s’interroger sur la raison pour laquelle Main a choisi d’utiliser ce mot, alors que ses disciples préfèrent souvent parler de mot de prière ou mot-prière, sans doute pour contourner l’ambiguïté par rapport à l’origine non chrétienne de leur pratique. Mais il y a plus. La manière dont il comprend le « fonctionnement » du mantra se rapproche parfois d’une vision hindoue. Pour Swami Satyananda, et cela est vrai en général dans l’hindouisme et aussi dans le bouddhisme, le mantra tire son sens en pratique avant tout du son qu’il génère et moins en fonction de sa signification conceptuelle ou symbolique[13]. Le mantra produit un son qui permet d’élever la vibration du méditant jusqu’à s’accorder avec la vibration ultime, le son inaudible, OM, symbole de l’Absolu au-delà de toute forme et de toute image.
 
Main tend à faire sienne cette interprétation du mantra[14] quand il affirme que ce dernier, en reprenant ce qu’en dit son maître,
 
est comme une harmonique. Pendant que cette harmonique vibre en nous-mêmes, une résonance commence à se créer. Cette résonance nous fait cheminer vers la plénitude de l’être. […] Par la suite, l’harmonique crée une résonance entre soi et toute créature, entre soi et la création entière, puis une unité entre soi et son créateur.[15]
 
À plusieurs reprises dans ses écrits, il enjoint d’écouter le son du mantra et à le faire résonner en soi[16]. Le pouvoir du mantra réside donc dans sa qualité phonétique :
 
The importance of “Ma-ra-na-tha”, précise-t-il, is both that it is one of the most ancient Christian prayers there is and that it possesses the right sound to bring us to the silence and stillness necessary for meditation. […] As a prayer word its meaning is important, but during the time of meditation we do not think of its meaning but recite it as four equally stressed syllables.[17] »
 
Cette interprétation du mantra n’est pas anodine et correspond à une certaine perspective anthropologique et cosmologique où le monde est compris comme l’émanation de l’Ultime, le fruit de la vibration originelle devenant de plus en plus grossière ; selon ce point de vue, le but du yoga est précisément de s’éveiller au son primordiale pour s’unir à la présence suprême (atman-brahman) dans un processus de réabsorption. Colette Poggi, spécialiste du Shivaïsme du Cachemire, décrit de la façon suivante ce rapport complexe au mantra, en l’occurrence au praṇava :
 
’OM est le Brahman, OM est l’univers, OM est le consentement.’ Taittirîya Upanishad. Ainsi, comme le suggère ce verset, en prononçant l’akshara OM, à voix haute, dans un murmure ou mentalement, le pratiquant acquiesce à l’ordre du monde, entre en résonance avec la trame du réel, vibre à l’unisson de la matrice vibratoire infinie en laquelle surgit et se résorbe l’univers[18].
 
Si Main reprend volontiers de l’hindouisme cet aspect vibratoire du mantra – tout comme il sera influencé par la dimension advaitique (non-duelle) de la méditation, élément que nous évoquerons au point suivant – il l’inscrit néanmoins dans une vision chrétienne du monde. Aussi précise-t-il :
 
I learnt to meditate from a man who was not a Christian but he certainly believed in God—knew God—and had a deeply vital sense of God dwelling within him. Now it may be significant that it was not until 15 years after I learned to meditate with him that I began dimly to understand what my master had taught me and to understand the incredible richness of its full exposition in the Christian vision. »[19]
 
2) Caractéristiques de la méditation chrétienne
 
L’enseignement et la pratique de la méditation chrétienne s’inscrit de prime abord dans un renouveau contemplatif en réponse à une crise du spirituel au sein de l’Église catholique. En effet, John Main fait le constat d’un christianisme coupé de la source de vie, ayant perdu le contact avec le mystère de la plénitude, puissance reçue comme don[20]. La grande faiblesse des chrétiens réside, selon lui, dans le fait que la vérité, connue essentiellement au niveau théorique, ne vit pas réellement dans leur cœur[21]. Toute théorie est alors impersonnelle, et donc vraisemblable, alors qu’elle devrait être considérée aussi comme vraie par l’expérience que l’on peut en avoir[22]. En d’autres termes, pas de connaissance de Dieu sans une connaissance de soi[23] qui fait trop souvent défaut en milieu chrétien. Le Bénédictin entend répondre à l’urgence de ressaisir l’accès à cette vie divine ; aussi le véritable défi est-il de « retrouver une voie de prière profonde qui les amènera à faire l’expérience de l’union en se détournant des distractions superficielles et de toute forme de piété imbue d’elle-même.[24] » La méditation chrétienne est cette prière profonde que Main se réapproprie et propose dans un langage adapté à la mentalité contemporaine, par exemple quand il l’inscrit dans une relation à Dieu, comprise non plus en termes de récompense et de punition, mais de plénitude et de division, ou encore quand il préfère parler d’aliénation plutôt que de péché[25].
 
En cela, la méditation porte en germe une vision spécifique de l’Église, tournée vers le monde et témoin du mystère divin. La communauté chrétienne, loin de se suffire à elle-même et de se préoccuper de son seul salut, débouche sur une action pour le bien commun, qui plus est relève d’une attitude humble. « Dans la prière, précise Main, le chrétien renonce à son propre pouvoir. Il se détache de lui-même. En agissant de la sorte, il fait preuve d’une foi absolue dans le pouvoir du Christ comme seul capable de restaurer l’unité parmi les hommes, car il s’agit du pouvoir de l’amour, du pouvoir de l’union même.[26] » Se dégage alors l’image d’une Église comme levain et non comme forteresse, une Église qui accepte de se rendre vulnérable à l’instar du Christ (kénose) et dont la mission n’est pas de perpétuer son existence propre, mais de se donner pour que tous vivent du Dieu vivant, dans son amour salvateur[27]. Si Église renouvelée et triomphante il y a, ce n’est pas en fonction de sa capacité à imposer ou à convaincre, mais à aimer en incarnant la vérité où se reflète la diversité et dont elle s’estime dépositaire[28]. La cohabitation harmonieuse des différences religieuses, culturelles et doctrinales repose sur l’unité réalisée en expérience dans notre propre coeur[29] et qui, pour le chrétien, correspond au Christ qui est tout et en tous[30]. Aussi pour Main l’autorité avec laquelle l’Église communique cette expérience d’unité dépend-elle de la capacité de ses membres à en faire leur propre vérité[31]. D’où le rôle central de la méditation chrétienne, véritable œuvre ecclésiale au service de la paix.
 
Dans son livre Méditer chaque jour et trouver la paix intérieure, au chapitre qui correspond au 30 avril, Main donne l’essentiel de cette « prière profonde » et de sa dynamique spirituelle[32]. Aussi trouvons-nous justifié de le citer dans son intégralité :
 
Le message central du Nouveau Testament, c’est qu’il n’y a vraiment qu’une seule prière, celle du Christ. C’est une prière qui se poursuit jour et nuit dans nos cœurs, c’est le flot d’amour qui ne cesse de couler entre Jésus et Son Père. C’est l’Esprit Saint. C’est la tâche primordiale de toute vie pleinement humaine que de s’ouvrir le plus possible à ce flot d’amour. Nous devons permettre à cette prière de devenir notre prière, afin d’entrer dans l’expérience d’être aspirés au-delà de nous-mêmes par cette merveilleuse prière de Jésus, cette grande rivière d’amour cosmique. Pour ce faire, nous devons apprendre une discipline extrêmement exigeante qui est une voie de silence et d’immobilité. C’est comme si nous avions à créer un espace en nous-mêmes qui permette à la conscience de la prière de Jésus de nous envelopper dans ce puissant mystère[33].
 
De cette description ressortent trois éléments majeurs permettant de cerner les enjeux de la méditation chrétienne.
 
D’abord, celle-ci correspond fondamentalement à une prière incessante, c’est du moins ce qu’elle vise chez le néophyte, prière que Main associe à l’Esprit Saint[34], à un flot d’amour[35], au fait d’être aspiré au-delà de soi. C’est faire l’expérience de Dieu comme le fond de soi, ce qui revient à entrer dans l’expérience de Jésus lui-même[36], expérience trinitaire comprise comme la relation intime entre le Fils et le Père possible grâce à l’Esprit Saint. Nous identifions cinq grandes caractéristiques de cette prière vécue comme un état permanent en Dieu. 1) Elle est au-delà de tout ce qui est transitoire[37]. « Méditer, souligne Main, c’est tourner le dos non pas à la vie, mais à tout ce qui est passager pour connaître sur qui est éternel dès maintenant[38]. » 2) Cette prière continuelle est une vie en Dieu qui est amour, une vie de plénitude en communion/harmonie avec l’ensemble de la création. 3) Elle est le lieu de la joie véritable.  4) Cet état d’union est déjà là, présent dans le tréfonds de chacun ; il n’est pas créé ou imaginé ; il n’est pas non plus le fruit de nos efforts ; il suffit de s’y éveiller : « Notre quête de connaissances, de moyens ou d’enseignements secrets est devenue inutile en raison du dévoilement du secret ultime : ‘le secret, c’est que le Christ est en vous’. Ainsi, lorsque nous prions, nous ne nous efforçons pas de faire advenir quelque chose, car ce quelque chose s’est déjà produit. Nous réalisons ce qui ‘est’ en entrant toujours plus profondément dans la conscience unifiée de Jésus, dans la merveille de notre création[39]. » 5) Enfin, cet état de prière est non-duel ; il réconcilie tous les opposés dans un au-delà du temps, où il est impossible de « faire l’expérience de l’expérience[40] ». Il s’agit plutôt d’entrer dans l’expérience au point de vérifier l’expression fameuse des pères du désert selon laquelle celui qui prie vraiment n’en est pas conscient[41]. « […] notre tâche première, écrit Main, consiste à réaliser l’union, à réaliser la communion. Pour la plupart d’entre nous, cela signifie qu’il faut transcender tout dualisme et tout ce qui nous divise intérieurement, et aller au-delà de l’aliénation qui nous éloigne les uns des autres[42]. » Il précise par ailleurs : « […] meditation will bring us into deeper and deeper realms of silence. It is in this silence that we are led into the mystery of the eternal silence of God. That is the invitation of Christian prayer; to lose ourselves and to be absorbed in God.[…] [43]. »
 
Il faut noter ici l’influence de Swami Satyananda pour qui l’expérience de la non-dualité est au cœur de la pratique méditative. Rappelons que ce dernier fut moine de l’Ordre de Ramakrishna et suivit l’Advaita Vedanta de Swami Vivekananda, qu’il étudia par la suite avec Sri Gurudeva – Shankacharya de Jyotirmath de 1940 à 1953 –, dont l’enseignement est étroitement lié à la tradition advaitique d’Adi Shankara (788-820), et qu’avant d’entreprendre son travail en Malaisie, il passa du temps avec Sri Ramana Maharshi, l’un des plus grands sages indiens de la non dualité (advaita). Auprès de son maître hindou, Main découvre donc une interprétation non duelle de l’union à Dieu qui le conduit à formuler un discours apophatique de la prière chrétienne, selon lequel il ne peut y avoir au fond d’« expérience de Dieu »[44]. En faire l’expérience signifierait en faire un objet. Or Dieu n’est pas un objet ; Dieu est, sans qualificatif. Voir Dieu, c’est s’absorber en lui. Il n’y a pas d’autre voie vers l’union divine. Par conséquent, il est impossible de s’y soumettre et même de s’y abandonner :
 
We can no longer seriously think of ourselves as someone to “surrender” to God. In any surrender we retain the failure to dissolve the illusion of dualism. There remains an I to surrender, a Thou to surrender to. And in the light of the reality of God it matters little whether such dualism is retained due to fear or false piety. The result in any case is a kind of spiritual schizophrenia. We cannot surrender to the one with whom we are already united[45].
 
L’approche dualiste, qui pour Main relève de l’enfance spirituelle, est incompatible avec l’expérience d’union à laquelle la méditation donne accès ; elle est en outre dépassée par le « nouvel âge de la présence[46] » inauguré par Jésus et que l’advaita permet de redécouvrir en offrant au Bénédictin de jeter un éclairage nouveau ou oublié sur la Trinité[47], thème central du christianisme, dans l’effort de préserver la grandeur de Dieu, mystère au-delà de toute image et de toute pensée et pourtant au cœur de la création.
 
Le deuxième élément qui ressort de la description que Main fait du message du Nouveau Testament reprend le premier en mettant l’accent sur l’action requise par le méditant et qui consiste à s’ouvrir au flot d’amour mentionné plus haut, à devenir en quelque sorte cette présence infinie par ressemblance, en s’y laissant absorber. Or, il suffit pour cela d’être disponible ici et maintenant à l’action de Dieu qui sait mieux que quiconque ce qu’il nous faut[48] ; il y a au fond peu, sinon rien à faire, si ce n’est de consentir. Ce n’est plus le temps des paroles qui, elles, contrairement au silence, sont incapables de faire de la présence divine une réalité pour soi. Aussi le Bénédictin anglais qualifie sa méditation de prière de la foi[49], de voie de la simplicité[50], de la pauvreté[51], du silence,[52] de l’amour[53] ou encore de l’attention[54]. Toutefois, là où d’autres mystiques mettent l’accent sur ce point qu’est cette disponibilité totale et inconditionnelle à la grâce, comme l’auteur du Nuage d’inconnaissance, Madame Guyon ou encore, plus proche de nous, Henri Le Saux, promouvant essentiellement une « passivité active », Main insiste pour sa part sur l’élément suivant, le troisième, qui se rapporte à la dimension ascétique. Cette différence existe aussi avec Augustin Baker (OSB) grâce à qui il a découvert Cassien : « […] la répétition d’une formule n’est pas ce qui, chez Cassien, a retenu l’attention de Baker. […] il a cherché dans les Conférences une inspiration générale tendant à valoriser l’intériorité et la prière mystique.[55] »
 
Le troisième élément renvoie en effet à l’idée que la méditation se comprend aussi, et avant tout pour le débutant, comme une discipline qui implique silence et immobilité[56], et ce, de manière précisément à permettre cette ouverture à l’œuvre de Dieu, à se rendre disponible au travail de l’Esprit Saint, disponibilité qui, il est vrai, ne va pas de soi. Cette ascèse est nécessaire car nombreuses sont les distractions qui assombrissent l’esprit humain ; entrer dans le silence de la Présence est exigeant[57]. La méditation chrétienne est ainsi présentée comme « la grande voie de purification[58] ». Tel un miroir, l’esprit est encombré d’impuretés qui sont autant d’images fausses que l’on se fait de soi-même et que le mantra à chaque fois répété permet de déloger pour graduellement accéder à la pleine transparence. La discipline proposée à cette fin par Main consiste essentiellement dans la récitation incessante – durant la période de méditation – et inconditionnelle du mantra, en plus d’autres éléments techniques comme le fait d’avoir le dos droit[59], une respiration calme et naturelle, les yeux fermés et s’exercer 20 à 30 minutes matin et soir. Si le Bénédictin voit dans la pratique du mantra le début de notre pèlerinage vers la source[60], il refuse néanmoins de la réduire à une technique en ce sens qu’elle conduit à la conscience intégrale de ce que nous sommes fondamentalement[61]. Entrer dans cette voie, c’est pénétrer de plus en plus profondément dans le silence, au-delà des mots et des pensées et sous la motion de plus en plus consciente de l’Esprit Saint[62]. Or, si le mantra n’est pas une fin en soi et renvoie à un au-delà de lui-même, il le présente cependant comme la voie par excellence, donnant parfois l’impression qu’il s’agit là de la seule et unique voie[63]. Pour Swami Satyananda, le mantra résume l’essentiel de la méditation. Main tend à reprendre cette attitude qui, de prime abord, peut sembler exclusiviste ; il n’entrevoit guère d’autres façons de méditer. Dans ces écrits, plusieurs passages suggèrent que la méditation ne se comprend qu’en fonction du mantra à répéter et de ses étapes : « Elle répond, dit-il, à toutes les exigences des maîtres en matière de prière […][64] » ; ou bien : « […]  c’est le moyen par excellence de faire face aux distractions […][65]» ; ou encore : « I can sum up meditation in three words: Say your mantra.[66] » Certes, il reconnaît que c’est la seule façon de méditer qui lui a été donnée de pratiquer et qu’il n’en connaît pas d’autres[67], ce qui de fait n’invalide pas à ses yeux les autres voies, car en effet celles-ci sont nombreuses et existent bel et bien[68]. Il n’en demeure pas moins qu’il met de l’avant le caractère universel de la pratique du mantra, affirmant la retrouver chez bien des auteurs spirituels chrétiens, et ce, dès les premiers temps du christianisme.
 
3) Débat à propos de la répétition du mot de prière
 
Suite à un conflit concernant la politique de l’école qu’il dirige à l’Abbaye d’Ealing en Angleterre, John Main devient le directeur du Collège Saint-Anselme à Washington, DC[69]. C’est là qu’il découvre chez Jean Cassien, moine du désert (360-435), via le livre Holy Wisdom d’Augustin Baker (1575-1641), bénédictin et mystique anglais, que la voie du mantra n’est pas étrangère au christianisme, bien au contraire. En faisant le parallèle entre la prière chez Cassien et la méditation apprise avec Swami Satyananda[70], il trouve du même coup sa mission dans l’Ordre bénédictin[71], celle d’enseigner la méditation, l’encourageant de ce fait à approfondir sa connaissance de la spiritualité du désert[72]. Main estime que la pratique de la formule (ou verset) enseignée par Cassien est identique à celle apprise auprès de son maître hindou[73], un point que réitèrent par ailleurs plusieurs de ses disciples[74]. De là, il considère aussi qu’elle fut d’usage dans les milieux bénédictins, puisque Cassien fut un pont entre la spiritualité du désert et le monachisme occidental[75]. D’un côté, Saint Benoît fait référence au moine venu d’Égypte dans sa Règle et, de l’autre,les « Conférences [écrits de Cassien] ont été lues par toutes les générations de moines depuis le Ve siècle.[76]» Il n’est donc pas étonnant que Main soit conforté dans l’idée que la voie du mantra trouve très tôt sa place dans la famille bénédictine. Cela se vérifie, selon Paul Harris, notamment dans le cas d’Henri Le Saux (OSB), cité par Main comme l’une des rares suggestions de lecture, à la fin de son livre Word into Silence, avec Cassien et Le Nuage d’inconnaissance, texte anonyme du XIVe siècle, et ce, pour inspirer tout un chacun à s’engager sur la voie de la méditation avec persévérance et détermination[77]. Ces éléments suffisent à confirmer la tendance chez Main, et parmi plusieurs de ces disciples, à présenter la méditation chrétienne comme une pratique courante, voire dominante et centrale, de la tradition contemplative. Or, Adalbert de Vogüé précise que « le monachisme latin n’a pas, pour sa part, produit de formule analogue à la Prière de Jésus, ni même, semble-t-il, utilisé de façon soutenue aucun autre mantra chrétien.[78] »
 
Qu’en est-il au juste ? Les auteurs mentionnés enseignent-ils vraiment la méditation de la même façon que Main ? Si pour plusieurs adeptes il s’agit du même enseignement[79], la question ne fait pas l’unanimité. D’aucuns sont d’avis que cette méditation hindoue n’a de chrétien que l’apparence[80]. Il faut également noter l’avis critique du Vatican à l’endroit des méditations orientales et leur influence sur la prière chrétienne avec la publication de la lettre sur la méditation chrétienne signé par le cardinal Joseph Ratzinger (1989)[81] et de « Jésus Christ, le porteur d’eau vive » (2003) sur le Nouvel-Âge[82]. Aujourd’hui encore il nous arrive d’entendre, notamment en milieu paroissial, parfois rapporté par des étudiants, que les méditations bouddhiques et hindoues ou influencées par ces dernières seraient de nature diabolique – même si ce genre de critiques apparaît somme toute assez rare et sporadique, il reste que cela est suffisant pour alerter les adeptes des pratiques concernées et, par réaction, affirmer le caractère fondamentalement chrétien de ces dernières. Dans une perspective plus nuancée et constructive, un débat en ligne lancé par James Arraj eut lieu dans les années 1990 avec des membres de la méditation chrétienne, dont Thomas Ryan et Paul Harris, notamment pour établir la part de l’apport de Swami Satyananda[83]. Parmi les questions posées, notons les suivantes : « John Main learned to meditate using a mantra from his Hindu teacher, but what goal was his teacher aiming at? Was it the same goal as the Christian life of prayer? If not, does this mantra meditation become Christian just because a Christian uses it?[84] » Pour apporter quelques éléments de réponse, et en tenant compte des positions des uns et des autres, concentrons notre propos sur la répétition du mot de prière comme caractéristique centrale de la méditation chrétienne. Si Main rejoint les Pères du désert, Cassien en particulier, mais aussi le Nuage d’inconnaissance ou encore Thomas Keating et Le Saux, sur l’essentiel, à savoir d’être en Dieu, dans un rapport immédiat au-delà de toute image[85] et dans une disponibilité totale sans recours à aucun effort ou stratégie personnels[86], nous retenons néanmoins trois différences majeures relatives à l’utilisation de ce mot. La première se rapporte à la nature et au rôle du mot à répéter, la deuxième à sa mise en pratique, et la troisième aux conditions de son utilisation. Notons au préalable qu’il s’agit là d’un sujet complexe, où les divergences n’annulent pas nécessairement les convergences, et inversement ; des nuances s’imposent et qu’il importe de relever pour un débat éclairé sur la nature des méditations en jeu et des étapes sur la voie contemplative. Les distinctions entre les divers enseignements ne sont pas aussi évidentes que certains veulent bien le dire[87]. Le risque demeure en effet d’écarter d’emblée les différences pour s’en tenir à un consensus qui, en bout de ligne, peut donner l’impression d’une forme d’inclusivisme, où les points communs servent une vision unique de la méditation. Voici donc quelques éléments qui, certes, sont loin d’être exhaustifs et méritent d’être approfondis, mais qui, dans le cadre de cette brève étude, suffisent à montrer la richesse et la pertinence du présent débat à une époque où il est de plus en plus question d’éveil ou de dialogue interspirituel[88].
 
Nature et rôle du mot à répéter. Commençons par relever le rapport entre attention et intention dans la méditation chrétienne et la prière de consentement, deux formes de prière contemplative qui se rapportent aux mêmes sources, principalement les Conférences de Cassien et le Nuage d’inconnaissance. Selon Keating, le mot utilisé dans la prière de consentement relève d’abord de l’intention[89], celle de créer les conditions pour manifester sa disponibilité à Dieu, pour lui dire « je suis là et t’attends ![90]» Le rôle du mot sacré, selon lui, n’est donc pas celui du mantra : « We do not keep saying it until we drill it into our consciousness. It is rather a condition, an atmosphere that we set up, that allows us to surrender to the attractive force of the divine Presence within us[91]. » De ce point de vue, le mot sacré n’est pas interventionniste, contrairement au mantra. Il ne s’agit pas d’un moyen d’accéder à un état voulu, mais du désir renouvelé de se laisser prendre. « The sacred word is not a vehicle or means to go from the surface of the river to the depths. It is rather a condition for going there[92]. » S’il faut nuancer cette compréhension du mantra, puisque la méditation selon Main ne consiste pas à s’efforcer de faire advenir quelque chose mais à apprendre directement de la réalité qui nous soutient[93], cette distinction faite par Keating demeure utile[94] ; elle est importante aussi parce qu’elle en implique au moins trois autres.
 
D’abord, le mantra commande une attention, une capacité à se concentrer[95] de manière à faire l’expérience de notre nature spirituelle ; Main parle de rétablir le contact avec notre centre, et cela est possible[96], car la « méditation effectue le nettoyage du verre […]. Nous voyons la réalité sans être gêné par aucun reflet de nous-mêmes […]. La méditation est puissante parce qu’elle nous conduit à ce bon ordre, cette tranquillité et cette paix[97]. » Dans l’hindouisme, c’est découvrir que nous sommes identiques à cette nature profonde, le Soi (ātman). Dans la théologie de Main, il s’agit pour notre esprit de vivre en plénitude et de réaliser son union à Dieu et au tout[98]. En revanche, le mot sacré enseigné par Keating s’inscrit d’emblée et de façon explicite dans une relation personnelle où le méditant s’en remet toujours un peu plus au Tout-Autre :
 
Centering prayer is not just sustained attention to a special word or image or to one’s breathing, but the surrender of one’s whole being to God. It is not just an experience of our spiritual nature, which can be gained by concentrating on a particular posture, mantra, or mandala. It presupposes a personal relationship; there must be a movement of self-surrender[99].
 
Ensuite, pour être en mesure de réaliser notre nature véritable, le mantra vise à faire le calme en l’esprit, et ce, en ne se souciant d’aucune forme d’altérité, alors que le mot sacré de par sa dimension relationnelle est un appel à l’aide, un cri adressé à Dieu. Il est intéressant de noter avec John Dupuche, prêtre catholique et spécialiste du Shivaïsme du Cachemire, que le mantra relève en réalité de l’alliance : « Thus the mantra, like all words and expressions, is a bridge between the speaker and the one addressed. The mantra is necessarily said to someone. I can become the mantra only if I say it to someone who receives the mantra, who listens and accepts the mantra.[100] » Cette remarque nous rappelle que le mantra est compris et pratiqué de plusieurs manières dans l’hindouisme. La perspective de Swami Satyananda n’est donc pas la seule, et diffère d’une perspective tantrique, tibétaine ou shivaïte. Celle de Main est intéressante, car elle tend à combiner l’aspect concentration du mantra (dans sa mise en pratique) et sa dimension relationnelle (dans son interprétation théologique) : « Quand on médite, écrit Main, l’intention n’est pas de penser à Dieu […]. […] on cherche à être avec Jésus […][101]. » Ces propos montrent en outre qu’attention et intention sont deux aspects intimement liés de toute pratique méditative, et que si l’on ne peut en réalité les séparer, l’un domine souvent sur l’autre. Aussi n’est-il pas faux de dire que la méditation chrétienne, en ce qui a trait à la mise en pratique du mantra, relève plus de l’attention que de l’intention.
 
Enfin, le but du mantra étant d’apaiser les pensées, il est normal qu’on donne peu ou pas d’importance à sa signification, précisément pour en faire un moyen de focalisation. Telle est la position de Main pour qui la récitation du mantra enjoint de faire abstraction de toute imagination et intentionnalité[102]. Cependant, il en va autrement du mot sacré qui, dans la prière de consentement, se conçoit davantage comme une invocation ; sa signification est au contraire, pour le méditant, le lieu de toute son attention, même si, il est vrai, il est là aussi commandé de ne pas répondre à la tentation d’élaborer mentalement sur le mot lui-même[103].  Ce mot est une façon de redire son oui à Dieu à des moments où l’on est tenté de s’en détourner, un oui, faut-il le préciser, qui vient du cœur et non d’une volonté raisonnée. Aussi est-il judicieux d’avoir traduit centering prayer par prière de consentement, traduction qui rend bien mieux compte de la nature de cette prière que son original anglais. Il en va de même de la formule à répéter qui, chez Cassien, contribue avec d’autres pratiques à activer l’ardeur pour Dieu, à accroître la ferveur dans la prière[104], à enflammer cette prière, alors que pour le Bénédictin anglais, nous l’avons évoqué plus haut, elle s’inscrit aussi, et peut-être avant tout, dans une logique de résonance propre au mantra hindou plus que du souvenir, même si, notons-le, résonance et souvenir ne sont pas incompatibles comme c’est le cas dans la philosophie Trika du Shivaïsme du Cachemire ; c’est là encore une question de nuance et d’accent.
 
 
La mise en pratique du mot. Main et Cassien s’accordent sur le fait que la pratique du mot de prière (ou de la formule[105]) a pour but la maîtrise des pensées et la stabilité de l’esprit (apatheia) pour une pleine ouverture à la présence de Dieu. Certes, le Bénédictin est l’héritier de la spiritualité du désert où le rapport aux pensées est central sur la voie de l’union divine ; pour Cassien elles déterminent notre devenir :
 
Aussi faut-il se mettre, avant la prière, dans les dispositions que l’on veut avoir en s’y livrant; car c’est une loi fatale, que les dispositions de l’âme dépendent alors de l’état qui a précédé; et nous la verrons ou s’élever vers les hauteurs du ciel ou s’abîmer vers la terre, suivant les pensées auxquelles elle sera précédemment arrêtée.[106]
 
Toutefois, la différence entre les deux auteurs réside dans la manière d’appréhender ces dernières. Certes, tous deux optent pour réciter un mot ou un verset, mais cette récitation n’a pas nécessairement la même résonance autant dans la relation aux mots que dans la manière de les répéter. Si Main invite à réciter le mantra et à ne s’en départir sous aucun prétexte le temps de la méditation du matin et du soir, Cassien conseille de répéter la formule en tout temps et en toute circonstance. Notons que cette différence peut être trompeuse et appelle une observation plus fine. Par la pratique de la méditation, le mantra est appelé à s’ancrer graduellement au plus profond de l’être au point où il suffira de s’en rappeler à n’importe quel moment de la journée pour entrer en présence de Dieu[107]. La relation aux pensées est ici indirecte en ce sens qu’on ne tient pas compte de leur nature, de ce qu’elles suggèrent ; on les ignore simplement en se concentrant sur le mantra.
 
L’invocation de la formule par Cassien s’inscrit dans un autre registre[108]. Il s’agit de ne jamais s’en séparer pour se rappeler toujours de Dieu[109], et ce, de manière à parer aux attaques des démons, passés maîtres dans l’art de profiter des faiblesses humaines[110] en agissant sur les pensées, et de confesser qu’on ne peut rien seul sans l’aide de la grâce divine[111]. Dominent ici la vigilance et l’humilité[112]. Notons que chez Evagre le Pontique, guide spirituel de Cassien, chaque tentation appelle une riposte ; à tel assaut correspond telle formule tirée des psaumes[113]. La relation aux pensées est ici directe, puisqu’on tient compte de leur nature pour choisir le verset le plus approprié. Cela est vrai aussi d’une certaine manière dans le Nuage d’inconnaissance quand, dans la prière qui n’est autre chose qu’une aspiration de l’âme, l’auteur enjoint d’opter pour le mot faute afin d’obtenir d’être délivrer de tout mal ou Dieu pour obtenir tout bien[114]. Cassien propose pour sa part un verset unique, utile contre toutes les tentations[115]. Or, ce verset, qu’il est facile d’identifier au mantra à cause de son caractère unique, répond à une approche différente qui, là aussi, est de se protéger des pensées dites mauvaises car en proie à l’influence du malin. S’il est donc vrai que Cassien exhorte de ne jamais se départir de la formule, cela correspond surtout au temps des tentations qui concerne principalement la phase ascétique, consistant elle-même en l’éradication des vices et le développement des vertus. Sa récitation s’inscrit dans l’effort, nécessaire selon les Pères du désert à la vie contemplative, d’apprendre à connaître la façon dont les pensées fonctionnent et se transforment en obstacles à la vision de Dieu. Elle n’est plus autant requise à l’étape suivante de la voie spirituelle – qu’est la phase gnostique ou mystique, dominée par la grâce agissante en soi – quand la pauvreté d’esprit s’installe d’elle-même sous la motion de l’Esprit. Il convient dans ce cas de se laisser entrainer par l’ardeur, ce mouvement d’amour, pour s’élever au-delà des choses visibles : « Parfois, au contraire, toute l’âme descend et se tient cachée en des abîmes de silence ; la soudaineté de la lumière la saisit et lui ôte la parole ; tous ses sens demeurent retirés au fond d’elle-même ou complètement suspendus ; et c’est par des gémissements inénarrables qu’elle épanche devant Dieu ses désirs.[116] » Contrairement au mantra, le verset n’est pas à être répété tout le temps sans égard à la nature des pensées ; et il est possible d’en cesser la répétition quand s’impose à soi la présence divine. Son utilisation n’est au fond pas aussi centrale que celle du mantra dans la méditation chrétienne ; elle fait partie d’un ensemble d’éléments variés qui régissent la vie de prière. Pour Cassien, le verset n’est qu’un aspect. Sur les 24 conférences écrites par le moine de Scythie mineure, deux seulement portent explicitement sur la prière ; ce sont les conférences IX et X ; Main se réfère principalement à la dixième. Or, dans ces deux conférences, quelques paragraphes seulement traitent de la formule en question. À côté de cette dernière, l’auteur mentionne plusieurs façons de prier (supplications, oraisons, demandes et actions de grâces[117]) et une infinité de moyens d’enflammer l’ardeur pour une vie en Dieu[118] : la psalmodie grave et régulière, l’entretien d’un saint, la veille, la méditation, la prière ou encore le travail des mains[119]. La formule à réciter ne s’impose donc pas d’emblée comme le seul exercice à adopter sur la voie contemplative[120].
 
On retrouve cette flexibilité à l’égard du mot à répéter peut-être plus encore chez l’auteur du Nuage d’inconnaissance. Certes, il conseille de choisir un mot, de le fixer dans son cœur et de n’en s’éloigner pour rien au monde[121], mais il affirme aussi : « Ne te mets pas en peine de mots, car tu n’arriverais jamais à ce que tu désires ni à cette œuvre ; ce n’est pas l’effort qui y mène, mais la grâce seule. Aussi, bien que je te propose ici des mots pour prier, n’en choisis pas d’autres que ceux que Dieu t’inspire de prendre.[122] » Le mot devient inutile dès lors qu’on se sent appelé par la grâce à élever son cœur vers Dieu dans un humble élan d’amour[123]. Keating adopte cette flexibilité dans la prière de consentement. Quand l’amour divin infuse une attraction en soi, le repos de tout procédé est conseillé : « There is no question of repeating the sacred word as if it were a magic formula to empty the mind or to force the word upon your consciousness[124]. » Aussi longtemps que les pensées vont et viennent, pas besoin du mot ; il est utile seulement lorsqu’une pensée devient tenace. Mais là encore, le mot sacré n’est pas la seule option ; le plus souvent le mouvement intérieur sans mot suffit. Il peut aussi être remplacé par une attention simple à ce qui attire l’attention de façon prononcée :
 
One way to deal with intense restlessness, physical pain, or emotions, such as fear or anxiety, that arise at such times of unloading is to rest in the painful feeling for a minute and allow the pain itself to be your prayer word. In other word, one of the best ways of letting go of an emotion is simply to feel it[125]. »
 
Les conditions d’utilisation du mot. Pour pratiquer la méditation chrétienne, il suffit de vouloir l’essayer, quelle que soit sa motivation première, puis de faire preuve de détermination dans la récitation incessante du mantra. Elle est en cela accessible au grand nombre par le biais d’une stratégie de communication locale, nationale et internationale (site internet, prospectus, activités diverses, lieux de rassemblement, etc.). À l’inverse, dans les Conférences, la pratique de la formule est réservée à quelques-uns. Cassien en parle comme d’un secret transmis par quelques pères du désert; il n’est donc pas donné à tous, seulement à ceux qui le désirent avec ardeur, ce qui concerne un tout petit nombre[126]. La raison n’est pas précisée. Toutefois, il est écrit qu’il s’agit d’une méthode puissante ; sans doute alors peut-elle causer plus de tort que de bien si elle devait être pratiquée sans la préparation ou la maturité nécessaires ? Chose certaine, l’auteur du Nuage d’inconnaissance va dans le même sens en précisant que son enseignement qui inclut la pratique du mot ne doit être remis dans toutes les mains, notamment celles des esprits inquiets, des bavards, des flatteurs, des médisants, de ceux qui n’ont pas encore renoncer au monde ou qui sont encore dans la vie active (ou ascétique)[127]. Sa position est claire : « it is not a practice for everyone but only for those with a high degree of purity and maturity in the Christian life[128]. » Pourtant, Main estime que Cassien enseigne le verset à quiconque veut apprendre à prier[129], avis partagé par Laurence Freeman pour qui il est « absurde et présomptueux d’affirmer que la méditation est réservée aux chrétiens ‘mûrs’. De quel droit pouvons-nous nous juger mûrs ? À plus forte raison, de quel droit pouvons-nous juger si les autres le sont ?[130] » S’il est juste de dire que l’appel de l’expérience contemplative doit être entendu par tous[131], il reste que cet appel est avant tout intérieur et n’est en aucun cas le fruit de la volonté propre ; d’où la nécessité du discernement, souvent peu fiable sans l’aide d’un guide averti.
 
Traiter de ce point nous invite à distinguer des degrés dans la voie spirituelle, comme cela a toujours été le cas dans la tradition chrétienne, en référence aux commençants, aux progressants et aux parfaits, même si de nos jours, dans nos sociétés démocratiques, il y a une réticence à hiérarchiser les compétences et les états ou expériences. Ainsi, à notre première remarque concernant l’accès restreint du verset chez Cassien, s’ajoute une seconde qui, si elle peut sembler de prime abord en contradiction avec l’idée même du petit nombre, apporte plutôt une précision sur la vie en Dieu et ses étapes. Cassien souligne aussi que la formule est une méthode pour les commençants[132]. La voie de la perfection exige de commencer par des choses très faciles. L’image utilisée est celle de l’enfant qui a besoin d’apprendre les lettres pour lire les mots[133]. Or, les commençants dont il est ici question ne correspondent pas, nous semblent-ils, à bien des personnes qui, dans le contexte actuel, s’initient à la méditation chrétienne ; ils se situent en effet au moins dans la « phase ascétique » qui, décrite dans le monde monastique depuis Évagre le Pontique et reprise par Cassien,[134] ne convient pas à tous les chrétiens en ce sens qu’elle implique un certain degré de renoncemen ; peu en fait s’y engage. S’il est vrai, selon Main, que nous sommes tous des débutants en méditation[135], certainement dans le sens où celle-ci appelle un regard toujours neuf sur les choses et que ce regard ne dépend pas au fond de nos efforts sur lesquels nous serions tentés de nous reposer, il est vrai aussi que vivre de l’Esprit en toute transparence ne va pas de soi et exige de s’engager dans bien des purifications pour graduellement affiner nos sens spirituels, et qu’en cela certains ont une compréhension plus aiguisée et juste que d’autres des subtilités de la voie et de ses impasses. Cette question n’est pas vaine ou anodine, car elle n’est pas sans conséquences en termes d’accompagnement spirituel et de degré de préparation à une vie contemplative. Aussi y a-t-il là une différence notable avec l’approche de Main pour qui la voie du mantra se fonde essentiellement sur le silence et l’immobilité, en ce sens que Cassien y ajoute un autre élément, premier par rapport aux deux autres, à savoir le retrait du monde (xeniteia)[136]. Du point de vue de la spiritualité du désert, la pauvreté repose sur la nécessité de ne pas se soucier du corps, de son bien-être, des choses visibles et terrestres, des honneurs du monde[137], un renoncement qui est à l’origine du monachisme et que le Christ a lui-même exigé de ses disciples (Marc 6,8-9 ; Matthieu 6,25-34). C’est dans ce contexte que la pratique de la formule ou du verset est transmise au novice si le guide, ou Père (Abba), l’estime appropriée pour son développement spirituel. La perspective du monastère sans murs que Main rêvait de créer[138] a cela de différent de celle de Cassien que la pauvreté évangélique s’y incarne non par le retrait du monde mais par la pratique du mantra elle-même[139] ; il y a là une différence d’intensité notable, et qu’il serait hasardeux de négliger, en termes de dépouillement, dont rend compte Murray : « They [les adeptes de la méditation chrétienne] combine meditation with such practices as Rolfing and Hatha Yoga, rather than abandoning all bodily concerns and cares[140]. »
 
Conclusion
 
Pierre-François de Béthune, moine bénédictin et ancien coordonnateur général du dialogue interreligieux monastique, décrit divers degrés dans la façon de pratiquer la prière contemplative vécue en dialogue avec d’autres spiritualités, dont l’un est illustré par l’approche du Bénédictin anglais ; il correspond à ceux qui « adoptent des voies d’oraison influencées par l’Hindouisme, le Bouddhisme ou l’Islam, mais déjà réélaborées par des Occidentaux (comme par exemple K. Dürckheim ou John Main).[141] » Ce dernier, nous l’avons vu, doit beaucoup à son maître, Swami Satyananda, dans sa compréhension du mantra et de sa mise en pratique qui consiste en une répétition inconditionnelle, comme l’a enseigné par ailleurs Maharishi Masheh Yogi,lui aussi disciple du Swami, dans sa promotion de la Méditation Transcendantale. D’où la remarque de Philip St-Romain en réaction au débat lancé par Arraj : « Indeed, the only formal distinction between Christian Meditation as taught by John Main and TM as taught by Maharishi Mahesh Yogi is the wording of the mantra itself.[142] » Main relate pour sa part les propos de son ami moine disciple de Ramakrishna après lui avoir présenté la méditation chrétienne : « Père John, c’est exactement la tradition de méditation que nous tenons de Ramakrishna lui-même par le swami Vivekananda ![143] » La méditation chrétienne n’en est pas pour autant une pratique hindoue. Main retrouve l’écho de la pratique du mantra chez Cassien et dans le Nuage d’inconnaissance, même si, nous avons tenté de le montrer, dans les faits, elle n’y est pas nécessairement envisagée de la même façon. Cela explique par exemple que, dans la prière de consentement, Keating, bien qu’en se référant aux mêmes sources, utilise le mot autrement.
 
En revanche, la similitude avec la « prière de Jésus » ou prière du nom, connue comme l’âme du mouvement hésychaste, est plus évidente. Henri Le Saux, pour qui l’équivalent hindou le plus proche est le nāmajapa, en décrit bien la progression. D’abord, le nom de Dieu est placé sur les lèvres, répété à voix haute ou murmuré. Puis la récitation devient intérieure, pure attention de l’esprit au nom redit sans cesse. Enfin, au degré supérieur, le nom étant situé dans le cœur, la prière rayonne partout et en tout temps; c’est l’expérience de l’Esprit Saint où tous les désirs ont été transformés et unifiés[144]. Cette description correspond à bien des égards aux étapes que Main donne de la méditation chrétienne[145]. Si Le Saux reconnaît l’efficacité de cette prière plus que toute autre – après avoir précisé toutefois qu’il « n’est ni technique, ni méthode définie, ni voie aisée pour mener l’âme jusqu’au sanctuaire intérieur […][146] » –, il n’en a pas fait pour autant le centre de sa vie spirituelle comme le soutient Paul Harris[147]. Rien dans ses écrits ne l’affirme, même s’il est bien possible que le sannyasi-chrétien l’ait pratiquée à certains moments de sa vie, notamment lors de retraites silencieuses[148], mais jamais ne l’a-t-il enseignée ni même recommandée formellement à ses disciples.Ce  qui domine chez le moine Breton, ce n’est pas tant la pratique d’une technique particulière que de se rendre présent à la Présence[149] dans la plus grande simplicité au travers de l’efficience du maître qu’il reconnaît sous les traits de Sri Gnanananda, et qu’il deviendra lui-même à la fin de sa vie pour Marc Chaduc. En référence au sage de Tirukoyilur, il précise : « Sa communication avec le disciple n’est point par l’intermédiaire de chose quelconque. Elle est directe, au fond même, à la source de l’âme. Rien n’est senti bien sûr, sinon cette paix qui transparaît et qui rayonne – et qui transforme celui qui sait l’accueillir.[150] » La relation de cœur à cœur au gourou est le lieu par excellence où Le Saux s’éveille à l’advaita – l’expérience de non-dualité constituant l’essentiel de l’enseignement des Upanishads –, qui est au centre de sa vie et de ses préoccupations théologiques, et où nulle prière ne demeure possible pour celui qui en a réalisé la vérité[151].
 
Apporter ce genre de précision est certes utile pour ne pas confondre la simplicité, dont Main et ses disciples se réclament pour définir la méditation chrétienne, avec la simplification dans laquelle ils risquent de tomber en identifiant à priori leur pratique à d’autres types de prières contemplatives[152]Il est vain, nous semble-t-il, de situer l’authenticité de la méditation proposée par Main dans l’effort de la retrouver chez telle ou telle grande figure spirituelle chrétienne et, ce faisant, de minimiser son influence hindoue. Nous pouvons comprendre que ce soit l’option retenue pour répondre à la suspicion de certains chrétiens qui la considèrent comme une pratique hindoue qui ne dit pas son nom[153]. Si, avec Murray, nous croyons juste que la communauté de la méditation chrétienne, en raison de son implication dans le dialogue interreligieux,  notamment avec le bouddhisme tibétain, puisse reconnaître l’influence de Swami Satyananda, nous ne nous accordons pas cependant sur l’idée que la méditation chrétienne serait « a hybrid of Hindu and Christian meditation techniques, rather than meditation in the Christian tradition.[154] » Il faut rappeler que l’étanchéité entre les religions n’existe pas ; en effet, ces dernières sont toutes issues d’un grand processus syncrétique[155] et qu’en cela une pratique méditative n’est pas moins chrétienne si elle est influencée par des courants étrangers. Nous croyons plutôt avec Raimon Panikkar que « John Main harmonized what he learned from the East and from the West. From every discovery there is a new creation.[156] » Aussi sommes-nous peu enclins à utiliser les formules retenues par Vogüé : « mantra indien christianisé[157] » et « japa chrétien de Main[158] » ; même si, il est vrai, pour leur auteur, la démarche de Main « ne tend nullement à introduire en contrebande, sous le pavillon des Conférences, une marchandise étrangère au christianisme[159] », elles ne rendent pas assez compte toutefois de la nouvelle création évoquée par Panikkar. La méditation selon Main constitue un arbre nouveau dans le paysage spirituel chrétien qui a grandi au-delà même des cadres établis par son fondateur pour donner ses bons fruits à un nombre toujours plus grand de personnes. Son caractère chrétien s’ancre ainsi dans sa cohérence théologique, ascétique et éthique propre, saisie et préservée à partir de ce qui ressort comme l’essentiel de la tradition contemplative depuis l’Évangile. Notons que cette tradition n’est pas statique ; elle ne consiste pas à reproduire à l’identique ce qui s’est fait dans le passé. Elle se maintient vivante et se développe plutôt en étant enrichie par l’expérience et la pratique spirituelles toujours singulières d’hommes et de femmes, parfois en dialogue avec d’autres religions, et dont les intuitions ascétiques et théologiques qui s’en dégagent sont à la fois nouvelles et en résonnance avec celles des expériences et des pratiques passées. Vogüé renvoie à cette idée en ces mots : « Les méthodes sont au service de l’homme, et chaque homme doit se faire la sienne, avec les données concrètes de sa nature et de son histoire[160]. » C’est le cas de Main qui refait autour de sa pratique méditative « l’unité de son être spirituel, en réconciliant ses deux composantes successives : la sagesse acquise en Inde et le don de soi dans la vie monastique chrétienne[161]. » Aussi ce qu’il propose a-t-il quelque chose d’unique, lié à son propre parcours de vie ; il ne peut en être autrement. Or, unique ici ne signifie pas nécessairement marginal. Peut-être, il est vrai, au début la nouveauté se confronte à des résistances ; cela fut le cas pour François d’Assise, Jean de la Croix et bien d’autres. Mais une fois ancrée dans une structure qui lui donne sa cohérence certes spécifique, mais en conformité avec l’esprit de celles et ceux qui l’ont précédé dans la foi, elle ne peut que faire tradition à son tour. Si Main et Keating reprennent chacun à leur propre compte l’enseignement du Nuage d’inconnaissance et s’en réclament face aux accusations de leurs détracteurs, ils aboutissent néanmoins à deux approches méditatives différentes et originales, deux cohérences ouvrant au même mystère. D’où l’importance, quand on adopte une pratique, de la suivre pleinement en en saisissant la logique profonde. Encore faut-il que cette cohérence soit préservée. Nous entendons par là la capacité d’une méthode de prière, quelle qu’elle soit, à partir des paramètres qui lui sont propres, de conduire le méditant sur la voie contemplative, avec ses étapes, ses obstacles et ses conseils d’accompagnement spirituel, jusqu’à atteindre une vie en plénitude, d’amour et de liberté, en union au Dieu trinitaire.
 
La méditation chrétienne tire cette cohérence de la structure, mise en place par Main et ses disciples, offrant à chacun de s’y adonner en toute confiance et sécurité. Nous n’avons pas l’espace dans le cadre de cet article pour exposer en détails le contenu de cette cohérence ; cela serait l’objet d’une autre étude. Contentons-nous de noter que les enseignements du fondateur, les publications de ses disciples, les méditations en groupe proposées à des moments réguliers, les animateurs qui en assument l’orientation, le rapport à la lectio divina et à la vie liturgique de l’Église, les journées de ressourcement, sont autant d’éléments qui donnent à la pratique méditative son orientation et son efficience. Or, si cette structure fait défaut, le méditant alors mal accompagné peut s’engager dans des impasses. Qu’en est-il en effet si l’animateur, dont la tâche principale est de rappeler d’être persévérant dans la récitation du mantra, n’en fait pas lui-même une pratique personnelle ? Qu’arrive-t-il quand le méditant passe d’une méthode à l’autre pour ne pas se décourager ou parce qu’il tarde à voir les fruits du mantra ? Que dire de ces personnes qui, attirée par une oraison de simplicité, se sentent coupables de lâcher le mot de prière, insatisfaits de cette répétition qui semble les mener nulle part parfois après de nombreuses années de pratique ? Etre bien guidé est fondamental ; dans le contexte des pères du désert et du Nuage d’inconnaissance, c’est le maître (abba) qui assurait cette fonction pour le novice. Dans le cadre de la méditation chrétienne accessible au grand nombre, c’est la structure que nous venons d’évoquer qui se porte garante. D’où l’importance du rappel sur le site du Diocèse d’Hamilton en Ontario (Canada) par l’annexe locale de la communauté internationale pour la méditation chrétienne : «Christian Meditation follows a common practice or steps that are observed globally. It is not meant to be interpreted or modified (e.g., playing nature CDs or soft background music during meditation), so it stays true to its original purpose and intent[162]. » Si pour Main s’inscrire dans une tradition, sous-entendue fiable, est la condition pour opérer ce voyage vers l’inconnu auquel nous mène la méditation quand notre esprit se dilate dans l’amour[163], la fiabilité en question repose avant tout, non pas sur l’homogénéité des pratiques qui la constituent, mais sur la préservation de la cohérence – théologique, éthique et ascétique – spécifique à chacune.
 
Le renouveau contemplatif qui, de nos jours, contribue à vivifier une Église à bout de « souffle », est caractérisé par sa diversité (des pratiques et des influences) et par sa dimension dialogique (avec les autres religions, avec les autres confessions chrétiennes, avec le corps et l’environnement, etc.), un renouveau qui doit beaucoup à la méditation chrétienne et qui n’est pas sans poser des questions anciennes et nouvelles, dont on ne peut tout simplement pas minimiser l’impact sur l’avenir de la foi chrétienne. En ce sens, ressaisir pour aujourd’hui un discours apologétique, inhérent à la théologie chrétienne, a sa pertinence, mais à condition qu’il s’agisse d’un discours qui ne soit pas tant au service du dogme et d’une Église fermée sur elle-même, que de personnes en quête spirituelle. Il ne s’agit pas de défendre Dieu, mais l’humain en Dieu, son désir d’entrer dans le silence du cœur ; c’est préserver intacte l’ouverture à cette Présence amoureuse en laquelle seule réside son salut. À l’heure où nombreux ceux qui sont attirés par le silence autant que ceux qui se proposent de leur répondre, un tel discours théologique est sain et même souhaitable, tant et si longtemps qu’il s’ancre dans une approche expérientielle de la voie contemplative, avec comme raison d’être l’« accès au sans accès », sans quoi il risque de perdre sa substance en s’enfermant dans des querelles stériles et contreproductives.
 
Notes

[1] John Main, La méditation chrétienne. Conférences de Gethsémani (Boucherville QC, Méditation chrétienne du Québec, 1997), 15.

[2] Ibid., 16.

[3] Ibid., 18.Voir aussi Paul Harris, John Main. A Biography (Londres, Medio Media, 2001), 27.

[4] Harris, John Main, 22.

[5] Ibid., 28.

[6] Main, La méditation chrétienne, 18.Voir Harris, John Main, 29.

[7] Harris, John Main, 29.

[8] Paul Harris, ed., John Main By Those Who Knew Him (Londres, MedioMedia, 2007), 93-94.

[9] Ibid., 44.

[10]Ibid., 46.

[11] John Main, Word into Silence (New York, Paulist Press, 1981), 5.

[12] Stefan Reynolds, PhD est un oblat de la World Community of Christian Meditation et l’auteur de “Hindu Mantra Meditation and Christian Contemplative Prayer. Swami Satyananda (1909-1961) and John Main O.S.B. (1926-1982),” Dilatato Corde 4, no. 2 (Juillet-Décembre 2014).

[13]  « Que Main n’ai pas attaché d’importance particulière au contenu de la formule, on se l’explique sans peine si l’on considère la tradition hindoue du mantra, dont la teneur reste dans une certaine mesure indéterminée. », Adalbert de Vogüé, « De Jean Cassien à John Main. Réflexions sur la méditation chrétienne », De Saint Pachôme à Jean Cassien. Études littéraires et doctrinales sur le monachisme égyptien à ses débuts, Studia Anselmiana 120 (1996), p. 512.

[14] « John Main shows his Hindu influence in stressing that it is not so much the meaning of the word as the sound and vibration that is important in the practice. » Reynolds, “Hindu,” consulté le 6 avril 2020,

http://www.dimmid.org/index.asp?Type=B_BASIC&SEC={089849FD-0BE7-4465-B771-52A83FF397A6}.

[15] Main, La méditation chrétienne, 16-17.

[16] Ibid., 52, 54, 71. Voir John Main, Méditer chaque jour et trouver la paix intérieure (Le Passeur, 2010), 11.

[17] John Main, Inner Christ (Londres, Darton, Longman and Todd, 1987), p.109.

[18] Cette citation est tirée d’un texte non publié de Colette Poggi, prononcé auprès de pratiquants du yoga.

[19] Reynolds, “Hindu,” consulté le 6 avril 2020,

http://www.dimmid.org/index.asp?Type=B_BASIC&SEC={089849FD-0BE7-4465-B771-52A83FF397A6}.

[20] Main, Méditer, 156.

[21] Main, Word, 5 ; Main, La méditation chrétienne, 29, 34 ; Main, Méditer, 43-44.

[22] Main, La méditation chrétienne, 15.

[23] « In learning to meditate, we must pay attention firstly to ourselves. » Main, Word, 3. Voir Kim Nataraj, The Weekly Teachings archive, Year 2 Letter 42.

[24] John Main, Un mot dans le silence, un mot pour méditer (Le Jour, 1995), 10.

[25] Ibid., 30.

[26] Ibid., 10.

[27] Ibid., 99.

[28] Harris, John Main, 47.

[29] Main, Word, ix, 13.

[30] Ibid., ix.

[31] Ibid., ix.

[32] Ce passage du 30 avril est un condensé remarquable de la préface de Main dans John Main, Word into Silence (New York, Paulist Press, 1981).

[33] Main, Méditer, 135.

[34] Ibid., 62.

[35] Ibid., 59.

[36] Harris, John Main, 36. Main, Word, x.

[37] Main, Word, 29.

[38] Main, Méditer, 97.

[39] Main, Un mot, 11.

[40] Main, Méditer, 36.

[41]Jean Cassien, Les conférences, tome 1 (Saint-Maximin, Librairie Saint Thomas d’Aquin, 1920), 511.

[42] Main, Un mot, 7.

[43] Harris, John Main, 38.

[44]« Prayer for John Main involved the realisation of our “oneness with God” which he said was “the raison d’être of all consciousness.” In one of his letters he links this to the identity of Atman and Brahman in the Upanishadic tradition. The spiritual journey, for him, starts with the discovery of the Self where we discover our own spirit in union with the Spirit of God. In one of his last letters he writes that our knowledge of God is always participatory, a sharing in God’s self-knowledge. So, he says, “strictly speaking, meditation does not give us any ‘experience of God’”: “God does not experience himself, he knows. For God to experience himself would suggest a divided consciousness. […] The more we see God the further our self-consciousness contracts, for to see God is to be absorbed into him. To have the eye of our heart opened is to lose the very sense of the “I” that sees.”» Reynolds, “Hindu,” consulté le 6 avril 2020,

http://www.dimmid.org/index.asp?Type=B_BASIC&SEC={089849FD-0BE7-4465-B771-52A83FF397A6}.

[45] Reynolds, “Hindu,” consulté le 6 avril 2020,

http://www.dimmid.org/index.asp?Type=B_BASIC&SEC={089849FD-0BE7-4465-B771-52A83FF397A6}.

[46] Reynolds, “Hindu,” consulté le 6 avril 2020,

http://www.dimmid.org/index.asp?Type=B_BASIC&SEC={089849FD-0BE7-4465-B771-52A83FF397A6}.

[47] Reynolds, “Hindu,” consulté le 6 avril 2020,

http://www.dimmid.org/index.asp?Type=B_BASIC&SEC={089849FD-0BE7-4465-B771-52A83FF397A6}.

[48] Main, Un mot, 88.

[49] Ibid., 39 ; Main, Méditer, 16 ; Main, La méditation chrétienne, 38.

[50] Main, Méditer, 72, 197.

[51]Ibid., 55. 

[52]Ibid., 135.

[53]Main, Word, 27. Main, La méditation chrétienne, 34, 53, 54.

[54]Main, Word, 3.

[55]Adalbert de Vogüé, « De Jean Cassien à John Main. Réflexions sur la méditation chrétienne », De Saint Pachôme à Jean Cassien. Études littéraires et doctrinales sur le monachisme égyptien à ses débuts, Studia Anselmiana 120 (1996), p. 518.

[56]Main, Méditer, 12.

[57] « Pour entrer dans cette mystérieuse et sainte communion avec la Parole de Dieu en nous, nous devons trouver le courage de devenir de plus en plus silencieux. » Main, Un mot, 21.

[58]Main, Méditer, 47.

[59] Main, La méditation chrétienne, 47.

[60] Harris, John Main, 40 ; Main, Word, 29.

[61] Main, Word, 3, 47.

[62] « Fondamentalement, toute prière chrétienne est le moyen d’expérimenter la présence de l’Esprit Saint en nous. » Main, Un mot, 28.

[63] Cette impression semble être justifiée paradoxalement par la volonté au sein de la communauté de la méditation chrétienne de la démentir : « […] je ne vous demande pas de croire, dès le départ, qu’il s’agit de la seule et unique voie. » Laurence Freeman, La méditation, voie de la lumière intérieure (Le Jour, 1997), 17. Sur le site du diocèse d’Hamilton (Ontario, Canada), nous lisons en réponse à la question What is Christian Meditation? : « It is ONE form of prayer and it is a discipline that requires practice, concentration and commitment. », consulté le 6 avril 2020,https://hamiltondiocese.com/news/2015/January/christian-meditation.

[64] Main, La méditation chrétienne, 52.

[65] Harris, John Main, 41. Main, Méditer, 197.

[66] Harris, John Main, 41.

[67] Main, Word, 42 ; Harris, John Main, 36.

[68] « Je ne prétends pas que la méditation soit l’unique façon d’atteindre ce but, mais plutôt que c’est le seul chemin que j’ai pu découvrir. » Main, Un mot, 42. Main précise par ailleurs : « the only way that I have been able to find to come to that quiet, to that undistractedness, to that concentration, is the way of the mantra. » Harris, John Main, 36. Pourtant, dans ses écrits, plusieurs passages suggèrent que la méditation ne se comprend qu’en fonction du mantra à répéter et de ses étapes : « Dans la prière chrétienne, la persistance d’une tradition de la répétition d’un mot tient avant tout à son extrême simplicité. Elle répond à toutes les exigences des maîtres en matière de prière […]. » Main, Méditer, 14. Voir Harris, John Main, 40, 41 ; Main, Méditer, 197 ; Main, La méditation chrétienne, 16.

[69] Main, La méditation chrétienne, 19.

[70]Ibid., 20.

[71] Main a échoué deux fois dans son ambition d’être élu Abbé d’abord du monastère d’Ealing en Angleterre, puis de St Anselm à Washington, DC. Cela va changer le cours de son parcours monastique ; il peut ainsi se concentrer sur l’enseignement de la méditation auprès des laïques, ce qui le conduira à devenir l’une des grandes figures du renouveau contemplatif. Harris, John Main, 31, 42.

[72] Harris, John Main, 35.

[73] Ibid., 34.

[74] Freeman, La méditation, 21. James Arraj et Philip St. Romain, Critical Questions in Christian Contemplative Practice (Chiloquin OR, Inner Growth Books, 2007), 9-10.

[75]Main, Méditer, 34.

[76] Jacques Dubois, “Cassien Jean (350 env.-apr. 432),” Encyclopædia Universalis, consulté le 14 juin 2020, http://www.universalis.fr/encyclopedie/jean-cassien/.

[77] « One of the most inspired books of our time is Saccidananda by Abhishiktananda, a Benedictine monk who lived the Christian experience of prayer in India until his death in 1973. The book proclaims with unmistakable personal authority both the fully personal and fully universal nature of the Christian experience. » Main, Word, 81

[78]Vogüé, De Saint Pachôme à Jean Cassien, p. 509.

[79] Arraj et St. Romain, Critical Questions, 10, 13, 14.

[80] Voir la vidéo de Joseph- Marie Verlinde, La méditation chrétienne de John Main, consultée le 6 avril 2020,

https://www.youtube.com/watch?v=DBSYj0EDCjw. En description, il est affirmé : « La soi-disant "méditation chrétienne" diffusée par le moine bénédictin John Main, puis à la mort de celui-ci en 1982, par son disciple Laurence Freedman, n'est en fait qu'une tentative de "christianiser" une technique de méditation orientale. » Aux États-Unis, Mère Angelica, militante catholique très médiatisée (ENTV), identifia publiquement la prière de consentement promue par Keating à une pratique du Nouvel Âge. Thomas Keating, « The Christian Contemplative Tradition », North American Board for East-West Dialogue 46 (1993), p. 11.

[81]« Quelques aspects de la méditation chrétienne. Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi aux évêques de l’Église catholique », Documentation catholique (7 janvier 1990), pp. 16-23.

[82]Fabrice Blée, Le désert de l'altérité. Une expérience spirituelle du dialogue interreligieux, Médiaspaul, Montréal/Paris, 2004, p. 176. Voir aussi notre article : « Can Christians Engage in Non-Christian Practices? Eastern Meditations and Contemplative Prayer ». Dans Hedges, Paul (dir.), Controversies in Contemporary Religion (volume 3), Santa Barbara (CA)/Oxford (GB), Preager, 2014, p. 277-304.

[83] Arraj et St. Romain, Critical Questions, 8.

[84]Ibid., 8.

[85] Voir la conférence X dans : Cassien, Les conférences, 529-535.

[86] Là ou Main rejoint Cassien et les grands auteurs comme Jean de la Croix, c’est peut-être moins dans l’approche du mot à répéter que dans cet état en Dieu que vise la répétition du mot, dans lequel le priant ne sait plus qu’il prie. « Ce saint homme disait de la prière cette parole surhumaine et céleste : “La prière n’est point parfaite, disait-il [abbé Antoine], où le moine a conscience de soi et connaît qu’il prie.” » Cassien, Les conférences, 511.

[87] Arraj et St. Romain, Critical Questions, 10.

[88] Lettre de Richard Rohr, An Interspiritual Awakening, Center for Action and Contemplation, 23 septembre 2020, https://cac.org/an-interspiritual-awakening-2020-09-23/ ; Rory McEntee and Adam Bucko, The New Monasticism: An Interspiritual Manifesto for Contemplative Living, Maryknoll (NY), Orbis Books, 2015 ; Kurt Johnson et David Robert Ord, The Coming Interspiritual Age, Vancouver, Namaste Publishing, 2013 ; Wayne Teasdale (éd), Awakening the Spirit, Inspiring the Soul: 30 Stories of Interspiritual Discovery in the Community of Faiths, Nashville, Skylight Faith, 2004.

[89] « The sacred word […] is sacred not because of its meaning, but because of its intent. » Thomas Keating, Open Mind, Open Heart. The contemplative dimension of the Gospel (Rockport MA, Element, 1993), 43.

[90] « What you are saying by means of the sacred word is, ‘Here I am, waiting.’» Ibid., 40.

[91]Ibid., 86.

[92]Ibid., 44.

[93]Main, Méditer, 199.

[94]Nous retrouvons en effet chez Main l’idée du mantra comme véhicule : « le mot vous conduira au silence, à la discipline, à la concentration. » Main, Méditer, 75.

[95] « La méditation est essentiellement l’art de la concentration […].» Main, Un mot, 77.

[96]Main, Méditer, 70

[97]Ibid., 47.

[98]Main, Méditer, 51.

[99] Keating, Open Mind, 46.

[100] John Dupuche, Jesus, the Mantra of God (Melbourne, David Lovell Publications, 2005), 22

[101] Main, La méditation chrétienne, 32.

[102] Harris, John Main, 39-40.

[103] Bernard Durel, Le nuage d’inconnaissance. Une mystique pour notre temps (Paris, Albin Michel, 2009), 67.

[104] Voir la conférence IX dans : Cassien, Les conférences, 522.

[105]Il n’est pas question d’un mot à répéter chez Cassien, mais d’une formule ou d’un verset issue des psaumes :« Mon Dieu, venez à mon aide ; hâtez-vous, Seigneur, de me secourir. » Il s’agit d’une prière adressée à Dieu.

[106]Cassien, Les conférences, 563.

[107]Pour sa part, Vogüé précise : « Les deux demi-heures de méditation, matin et soir, dont parle Main, n’excluent évidemment pas cette répétition sporadique et spontanée tout le long du jour. » Vogüé, De Saint Pachôme à Jean Cassien, p. 517.

[108]Voir Ibid., pp. 507-522.

[109] Cassien, Les conférences, 546.

[110] « Ce n’est pas sans raison que ce court verset a été choisi particulièrement de toute l’Écriture. Il exprime tous les sentiments dont la nature humaine est susceptible ; il s’adapte heureusement à tous les états, et convient en toutes les sortes de tentations. On y trouve l’appel à Dieu contre tous les dangers, une humble et pieuse confession, la vigilance d’une âme toujours en éveil et pénétrée d’une crainte continuelle, la considération de notre fragilité ; il dit aussi la confiance d’être exaucé et l’assurance du secours toujours et partout présent, car celui qui ne cesse d’invoquer son protecteur est bien certain de l’avoir près de soi. C’est la voix de l’amour et de la charité ardente ; c’est le cri de l’âme qui a l’œil ouvert sur les pièges à elle tendus, qui tremble en face de ses ennemis, et, se voyant assiégée par eux nuit et jour, confesse qu’elle ne saurait échapper, si son défenseur ne la secourt. »  Cassien, Les conférences, 546-547.

[111]Ibid., 552.

[112]« Le but [chez Cassien] de ces formules à ‘dire sans cesse’ n’est pas d’ailleurs pas d’entretenir une prière continuelle, mais d’inculquer certaines attitudes de vigilance et d’humilité […] » Vogüé, De Saint Pachôme à Jean Cassien, p. 510. Voir aussi p. 512 et 513.

[113] Charles-Antoine Fogielman, “Les deux traités à Euloge d’Evagre le Pontique” (Thèse de doctorat de patristique grecque, École pratique des hautes études, 2015), 22.

[114] Durel, Le nuage, 226-227.

[115]Cassien, Les conférences, 548ss. Vogüé, De Saint Pachôme à Jean Cassien, p. 514.

[116] Cassien, Les conférences, 505.

[117]Ibid., 477-478.

[118]Ibid., 503-504.

[119]Ibid., 562.

[120]Vogüé, De Saint Pachôme à Jean Cassien, p. 515 et 518.

[121]Durel, Le nuage, 67.

[122] Durel, Le nuage, 227.

[123] « Chaque fois que tu te disposes à cette œuvre et que tu t’y sens appelé par la grâce, élève ton cœur vers Dieu dans un humble élan d’amour […] mais n’admets aucune autre pensée sur lui […] il n’est besoin que de tendre directement vers Dieu dans une nudité complète d’esprit et sans autre motif que lui-même. » Durel, Le nuage, 66.

[124]Keating, Open Mind, 57.

[125]Ibid., p. 97.

[126]« C’est un secret que les rares survivants des Pères du premier âge nous ont appris, et nous ne le livrons de même qu’au petit nombre des âmes qui ont vraiment soif de la connaître. » Ibid., 546.

[127] Durel, Le nuage, 19, 339.

[128]Arraj et St. Romain, Critical Questions, 15.

[129] Main, Word, 9.

[130] Freeman, La méditation, 22.

[131]Ibid., 22.

[132] Cassien, Les conférences, 563.

[133] Ibid., 541.

[134]Vogüé, De Saint Pachôme à Jean Cassien, p. 514.

[135] Main, Word, 49 ; John Main, Méditer, 25.

[136]« Telle est, dis-je, la fin de toute vie parfaite : que l’âme libre et légère s’élève tellement des régions charnelles vers les hauteurs de l’esprit, que toute sa vie et ses mouvements ne soient désormais qu’une prière unique et ininterrompue. » Cassien, Les conférences, 539.

[137]« Nous prions, lorsque nous renonçons au monde, et nous engageons solennellement à mourir à ses actes et à ses maximes, pour servir le Seigneur de toute l’ardeur de notre âme. Nous prions, lorsque nous promettons de mépriser la gloire du siècle, et de fouler aux pieds les richesses de la terre, afin de nous attacher au Seigneur, contrits de cœur et pauvres d’esprit. Nous prions, lorsque nous vouons pour jamais la chasteté parfaite et une patience inaltérable, et que nous prenons l’engagement d’arracher complètement de notre cœur les racines de la colère et de cette tristesse qui donne la mort. » Ibid., 480-481.

[138]Main, La méditation chrétienne, 7.

[139]Main, Médite, 52.

[140]Arraj et St. Romain, Critical Questions, 14.

[141] Pierre-François de Béthune, Par la foi et l’hospitalité. Essais sur la rencontre des religions (Ottignies, Publications de Saint-André, 1997), 100.

[142]Arraj et St. Romain, Critical Questions, 15.

[143]Main, La méditation chrétienne, 48.

[144] Henri Le Saux, Éveil à soi, éveil à Dieu (Paris, Le Centurion, 1971), 113-114.

[145] Main, La méditation chrétienne, 49 ; Main, Un mot, 76-77.

[146] Le Saux, Éveil à soi, 109 ; Shirley Du Boulay, The Cave of the Heart. The Life of Swami Abhishiktananda (New York, Orbis, 2005), 143.

[147]Paul Harris nous écrit dans sa lettre du 30 mars 2020,  dont il nous a autorisé à publier le contenu : « It is interesting that the mantra suggested by John Main in Christian Meditation, "Maranatha", is an Aramaic word which translates "Come Lord Jesus".  We are back again to the name of Jesus, and the Jesus Prayer, as practiced by Le Saux. »

[148] Du Boulay, The Cave, 143-144.

[149]Le Saux, Éveil à soi, 20.

[150] Swami Abhishiktananda, Gnānānanda. Un maître spirituel du pays tamoul (Chambéry, Présence, 1970), 25.

[151]Henri Le Saux, Initiation à la spiritualité des Upanishads (Sisteron, Présence, 1979), 69

[152] Paul Harris nous écrit dans sa lettre du 30 mars 2020 : « I've made my case Fabrice. The current Christian tradition of contemplative prayer as practiced in the Jesus prayer, Centering prayer or Christian Meditation, is the identical same way of prayer as practiced by Le Saux in his day. »

[153]Fabrice Blée, “Can Christians Engage in Non-Christian Practices? Eastern Meditations and Contemplative Prayer,” dansControversies in Contemporary Religion (volume 3), ed. Paul Hedges (Santa Barbara/Oxford, Preager, 2014)277-304.

[154]Arraj et St. Romain, Critical Questions, 15.

[155] « On peut dire que toutes les grandes religions, y compris le christianisme, sont le résultat d'un immense processus syncrétique qui est toujours en cours. » Achiel Peelman, L'inculturation. L'Église et les cultures (Paris/Ottawa, Desclée/Novalis, 1988), 144.

[156]Harris, John Main, 55.

[157]Vogüé, De Saint Pachôme à Jean Cassien, p. 521.

[158]Ibid., p. 516.

[159]Ibid..

[160]Ibid., p. 522.

[161]Ibid., p. 508.

[162] Consulté le 15 juin 2020, https://hamiltondiocese.com/news/2015/January/christian-meditation.

[163] Main, Méditer, 342.

 
 
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