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Dilatato Corde 3:1
January - June, 2013 
Hugues Cocard Les seules motivations sociopolitiques ne pourront jamais suffire pour affronter les difficultés d’un dialogue interreligieux islamo-chrétien. Certes, la collaboration pour la justice et la paix est de la plus haute importance et son actualité saute aux yeux. Mais s’il n’y a pas à la base de cette rencontre une aspiration commune à servir Dieu, les interlocuteurs risquent de ne jamais trouver les énergies nécessaire pour que ce travail aboutisse. Hugues Cocard (Frère Paul, de la communauté Saint-Jean) va directement à la base de la rencontre : la reconnaissance de Dieu que chrétiens et musulmans adorent également. Ce livre est un exemple d’étude du ‘dialogue de l’expérience spirituelle’ au sujet de la démarche religieuse la plus fondamentale. Il rappelle ainsi que « le dialogue doit être précédé non seulement par l’étude, mais surtout par le silence, la solitude, la méditation, l’expérience et la maturation spirituels » ; (p. 15) C’est dans cette optique que l’auteur veut effectuer une comparaison de pratiques spirituelles dans les deux religions « pour mieux discerner les possibilités et les limites de la communion dans l’adoration ». (p.19) A ma connaissance une telle étude n’avait jamais été tentée auparavant. Le livre étudie d’abord l’adoration telle qu’elle est vécue dans Bible et dans la tradition chrétienne, des origines à nos jours, en privilégiant peut-être trop exclusivement les sources officielles. Un volumineux chapitre développe cependant la doctrine de saint Thomas d’Aquin sur la prière d’adoration. Vient ensuite une étude de la pratique musulmane de l’adoration, avec un chapitre important sur la théologie de l’adoration selon Fakr al dîn al Râzî, un auteur iranien du XIIème siècle. Ce chapitre est le pendant de celui de saint Thomas et permet un développement particulièrement profond de la théologie de la prière. Dans ses conclusions l’auteur note que « les musulmans peuvent permettre aux chrétiens de retrouver le sens de l’adoration ». En effet, « dans le christianisme, en raison d’une certaine lecture de l’expression ‘adorer en esprit et en vérité’, l’adoration tend, de nos jours, à faire l’économie des gestes et court constamment le risque d’être désincarnée, de se réduire à une idée et à un concept (...) Au contraire, dans l’islam, où elle s’incarne en des attitudes et des gestes, (...) et elle peut plus facilement marquer de son empreinte toute la vie quotidienne ». (p. 213) Il est vrai que cette attitude religieuse de l’adoration est massivement présente dans le Coran (plus de 200 fois), alors que dans toute la Bible il n’est question qu’une centaine de fois. Dans la tradition judéo-chrétienne, d’autres formes de prière, comme la méditation ou l’intercession, ont également pris une place importante, mais l’adoration tout à fait gratuite doit garder sa place centrale. C’est pourquoi la fréquentation de musulmans peut nous aider à y veiller. Un seul regret, au moment de fermer ce livre : on aurait souhaité davantage de témoignages de ‘communion dans l’adoration’, car dans ce domaine les expériences sont souvent plus importantes que les exposés. Mais si le Frère Paul Cocard qui a certainement fait de telles expériences spirituelles n’en parle guère, n’est-ce pas précisément pour nous engager, à notre tour, dans de telles rencontres, sans hésiter à aller ensemble au plus profond de notre foi. |
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